Son cœur manqua un battement et il la fixa les bras ballants. C'était la première fois de sa vie qu'on lui adressait pareil. Il se recula légèrement pour passer sa main dans les cheveux et bredouilla quelque chose entre "Y'a pas de quoi" et "de rien", mais le résultat s'apparenta plus à un timide "Oh, y'a pas de rien... enfin y'a de quoi... enfin..." Wahou, il ne savait vraiment pas parler ! Mais la petite Satomi était contente, donc il avait réussi, bon gré mal gré, à lui transmettre l'essentiel de son propos. Super ! Il aurait aimé croire qu'il n'était pas devenu rouge pivoine, mais il l'était déjà. Le whisky avait déjà eu raison de lui.

Quoi ? Pff, Cassandre n'était pas ivre. Il s'insurgea face à cette accusation injuste et se redressa de toute sa hauteur :
- Non, non. Oui, vous vous trompez. Je suis grand mademoiselle. lui affirma-t-il en faisant un geste évasif au-dessus de sa tête. Il me faut au moins huit verres pour être ivre, et j'en ai bu...

Il comptait sur ses doigts. Il y avait les deux- non les trois premiers verres de vin de la soirée. Puis il y avait les quatre ou les cinq (...?) verres de Macallan, puis la coupe de champagne... Il hocha la tête, sûr de lui :
- Neuf. Donc un de plus que pour être ivre. Donc tout va bien.


Il la considéra d'un air espiègle, le ton presque moqueur :
- Et puis je ne conduis pas, vous m'avez promis une virée en voiture mademoiselle, et je ne l'ai pas oublié.

Il faisait terriblement chaud, il dégrafa un bouton de sa chemise. C'était lui où quelqu'un s'amusait à dérégler les radiateurs. Il scruta la pièce à la recherche d'un coupable, puis eu la bonne idée d'ajouter à l'intention de Satomi, d'un air très sombre :
- Et personne ne refuse un Macallan... Essayez donc de m'en tenir loin...

Non, il n'y avait aucun radiateur. C'était fou cette soudaine chaleur... Ah oui, plutôt dans la soirée, il s'était demandé si Satomi ne serait pas sorcière... il se retourna vers elle :
- Une question me taraude Miss.

Il pointa le bracelet doré qu'elle arborait au poignet :
- Au début de la soirée, vous ne l'aviez pas. Il est apparu comme tombé du ciel. Comment avez vous fait ?

Il l'observa, complètement intrigué et terriblement affolé par la beauté de ce bijou.

Ces neufs verres n'allaient pas l'empêcher de profiter d'une virée en voiture. Il le refusait ! Il s'y opposait ! Il objectait il... Il toisa Satomi de haut en bas. C'était clair qu'elle ne pourrait pas faire grand-chose. Cassandre était sûr qu'il pouvait la porter à une main. Elle se débattrait sûrement...mais elle ne pourrait rien faire. Haha, être grand, ça avait ses avantages. Il avait vraiment envie d'essayer et il l'aurait fait, si quelque chose, une étincelle de lucidité, ne l'empêchait de passer à l'action. N'empêche qu'il aurait bien aimé la voir se démener comme un beau diable... Il lui avait arraché un regard rempli de surprise.

- Bien-sûr, je suis inspecteur. lui rappela-t-il avec un sourire en coin.

Déformation professionnelle, il n'y pouvait rien ! Rien du tout. Il surveillait, il notait, il tanguait...non ça, c'était l'alcool. Avec un soupir, il s'enfonça un peu plus dans le canapé. C'était le monde qui bougeait ou c'était lui ? Miss Brown. Oui, il avait retenu son nom, une Anglaise. Ça faisait un moment qu'il n'y était pas retourné... Grand-Bretagne... ces hivers gris lui manquait. Il se demada si Satomi y avait déjà mis les pieds. Question bête : évidemment. Quelle était sa région préférée ? Si elle répondait Birmingham... Mieux valait ne pas y penser. Note mentale : demain, il l'emmènerait chez son père, demain, il lui ferait goûter du thé. Du très. bon. thé ! La main posée sur le front, il laissa échappé un petit rire :

- Et vous avez accepté son pot-de-vin sans broncher. Je ne vous félicite pas miss...

Il n'arrivait pas à décider qui du bijou ou de celle qui le portait était le plus ravissant... Et ce n'était pas que le bracelet. Elle dégageait quelque chose contre lequel il ne pouvait tout simplement pas lutter.
- Terriblement, d'accord, Miss Brown devrait vous acheter plus souvent.

Il se redressa et passa une main dans ses cheveux, gêné par ses mèches qui n'arrêtaient pas de lui couvrir la vue. À force de bouger dans tous les sens... Bref. Cette soirée, c'était irrésistible. Ses moqueries subtiles, cette façon de se jouer de lui. Il n'avait qu'une envie, rentrer dans cette danse. C'était fou. Il y a quelques jours encore, il la pensait immature, arrogante... Rah, il préférait ne pas y penser. Mine de rien, il s'était comporté comme le dernier des abrutis.

Il tendit une main vers Satomi :
- Quoi que je ne suis pas sûr. Donnez-moi votre poignet que je vérifie.

Est-ce qu'il avait vraiment envie d'observer ce bijou de plus près ? Ma foi, pourquoi pas. Était-ce un prétexte pour toucher son poignet ? Peut-être bien. Est-ce que c'était grossier et maladroit ? Il s'en fichait. En temps normal, il ne se l'avouerait jamais, mais son regard s'était perdu plusieurs fois le long de son cou, du creux de ses poignets. Trop occupé à démêler le fil de ses émotions, de ses craintes, prisonnier son anxiété, il n'avait même pas pris le temps de profiter de la soirée. Macallan oblige, il allait y remédier !

Cassandre n'était pas certain que son excuse fonctionnerait, mais Satomi se prêta au jeu et lui tendit son poignet. Il s'approcha, se pencha et le prit délicatement entre ses mains, puis le porta à hauteur de ses yeux. La lumière ambiante lui conférait un scintillement presque magique. Cette couleur contrastait avec le blanc de sa peau, mais au final, elle flattait vraiment son teint. Son poignet, sa main même, était si fins qu'il eut soudain l'impression qu'un seul geste maladroit suffirait à la briser en morceaux. La délicatesse de son bras...Cassandre avait l'impression de perdre pied. À ses mots, il releva les yeux en rencontra les siens, un brun ténébreux dans lequel il se sentit plonger.

- Le bracelet, toujours. Il avait rétorqué cette phrase avec son air sérieux habituel, mais au fond, ils savaient tous les deux qu'il ne faisait que plaisanter.

En tout cas, aussi ridicule puisse-t-il eût être, ce stratagème ne semblait pas la froisser, au contraire elle s'en amusait. Il fit mine de reposer son poignet, non sans un énième regard appuyé. S'il avait pu, il serait resté encore de longues minutes à l'observer, à sentir sa peau douce contre ses mains. Mais il ne pouvait s'y résigner, pas maintenant, pas tout de suite, pas avec elle. Cette pensée vint s'immiscer dans son cœur, sans qu'il puisse tout à fait l'écouter :

- Comment m'assurer que vous accepterez si je ne vous berne pas...?

Il attendit une réponse, mais elle ne vint jamais. Il sentit le temps s'arrêter, son corps se crisper, totalement immobile, surpris de ce qui était en train de se produire. Une main sur son visage. La sienne. Pour écarter une mèche qui lui gênait la vue. Lui qui avait pourtant très chaud, il s'était figé et une vague de froid lui parcourra l'échine. Son esprit s'était vidé, il ne comprenait pas. Ce qui était en train de se passer, ce qui pourrait potentiellement se passer, il n'arrivait tout bonnement plus à réfléchir. Il eut un instant l'impression qu'elle allait l'embrasser. Ses yeux noirs se précipitants dans les siens, dans un gouffre infini, un gouffre enflammé, un gouffre... Tout s'arrêta. Elle s'écarta, son poignet échappa à l'étreinte de Cassandre, et sa main reprit sa place habituelle. Il cligna des yeux plusieurs fois sans comprendre. C'était une hallucination ? Est-ce qu'il avait fait quelque chose de mal ? Son geste avait-il été déplacé ? Il se redressa et reprit sa place, silencieux. Son ton était enjoué, mais il sonnait faux, comme une épine dans la poitrine. Il la fixait toujours, quelque peu incrédule, avant de s'éclaircir la gorge :

- Ah euh... je vais prendre de l'eau.

Un verre d'alcool et il vomirait. Il en était sûr.


La soirée touchait à sa fin, et Cassandre peinait à retrouver sa cousine dans la salle principale. Déjà, il parvenait à peine à feindre la sobriété. Le sol était penché et lui devait marcher droit. Il salua la grand-mère de Satomi, qui ne lui aurait pas pardonné son manque de politesse. Et il en profita pour adresser quelques courtoisies à son père avant de tourner des talons. Des personnes avec qui il avait à peine échangé venait le saluer, lui quémander de saluer sa mère pour eux, lui demander quand il pourrait venir dîner chez eux... Il leur offrit des réponses concises, soucieux de ne pas trahir son état d'ébriété. Un mot, un hochement de tête. Cassandre étant silencieux de nature, ils ne s'en étonnèrent pas. Tant mieux ! Après quinze minutes à batailler avec un employé, lui expliquant avec des mots plus ou moins précis laquelle était sa veste, puis dix minutes à la chercher lui-même dans les vestiaires et jeter certaines autres par terre, pour les raccrocher maladroitement ensuite, il atterrit tant bien que mal sur le parking. Toujours pas de trace de Rika. Il se saisit de son téléphone et eut toutes les peines du monde à retrouver son numéro

- Rika ? Où est-ce que tu es ?

- Allô ? Je suis une amie de Rika ! On a pris un taxi il y a une trentaine de minutes, elle ne se sentait pas très bien ?

- Une amie ? Comment ça une amie ? P-Passez-moi Rika.

- Ah... elle...elle est vraiment malade...

- Où son mes clefs de voitures ?!

Il entendit la voix de Rika, elle rigolait et se moquait, lui expliquant qu'elle avait eût la bonne idée de les prendre dans sa veste, pour s'assurer qu'il ne reprenne pas la voiture. Cassandre raccrocha sans dire au revoir. Il tourna en rond plusieurs fois dans le parking, avant de trouver son véhicule et de coller son front à sa vitre, désespéré.

Le vrombissement d'un moteur. Il ne bougea pas. Il fallait qu'il appelle un taxi, mais laisser sa voiture garée ici lui coûtait. Et si quelqu'un l'abîmait...? Le quartier était bien fréquenté, mais on était à l'abri de rien. Et puis cette soirée... cette scène qui se jouait dans son esprit, deux fois, dix fois, mille fois. Qu'est-ce qu'il s'était passé au juste ? Il ne voulait qu'une chose : se blottir dans son lit et oublier tout ça. Il laissa échapper une longue plainte.

Appeler un taxi, il devait... Une voix. Celle de Satomi, parce qu'il fallait que ce soit la sienne ! Rika... c'était de sa faute, même sans le savoir, elle jouait les entremetteuses. Décollez son front, doucement, sans tomber. Il se redressa et pivota sur lui-même. Il allait lui dire que tout allait bien, qu'il avait été déraisonnable et qu'il allait prendre un taxi :

- Rika...elle m'a volé mes clefs... je suis coincé... ma voiture.

À cet instant, il était tiraillé entre deux émotions : d'une part, l'embarras, qui avait précédé le geste tendre que Satomi avait eu pour lui, et d'autre part une sorte d'irritation profonde pour sa cousine, qui n'en manquait jamais une. Il garda la première des deux au fond de son cœur. Il ne devait pas y penser, il n'avait pas le droit d'y penser et il n'avait pas le temps de le faire. Au fond, oublier, ce n'était pas si difficile. L'alcool l'y aidait, rendant son esprit flou, apaisant sa conscience. Elle souhaitait faire comme s'il ne s'était rien passé et il respecterait sa volonté. Cassandre était franchement déphasé, mais la vision du véhicule sportif de Satomi le fit revenir à ses sens. Il ne fallait pas lui dire deux fois !

- Je vous remercie !

Il s'approcha de la voiture pour l'admirer, trébucha et manqua de peu de tomber. Une fois son équilibre retrouvé, il se pencha et s'émerveilla devant le modèle, avant de se redresser et de froncer les sourcils. Ouvrir la porte. de la. voiture. Il tendit la main et réussi à ouvrir la portière. C'est bon, Satomi ne remarquerait jamais qu'il avait bu. Elle ne se doutait de rien. Il s'abaissa. Aïe, pas assez. Il venait de se cogner contre le haut du véhicule. Il s'abaissa un peu plus cette fois. C'était un euphémisme de le dire, puisqu'il était en réalité tout à fait recroquevillé. Elle était vraiment basse. La moitié du corps dedans, les jambes pliées en quatre. Reculer le siège. C'était où ? Il chercha la commande à tâtons pendant de très longues secondes, empêtré entre la porte (qui se referma sur lui à plusieurs reprises lorsqu'il essayait de ramener sa veste à l'intérieur) et le levier de vitesses. Il trouva finalement comment reculer le siège, ce qu'il fit, se retrouvant soudain projeter en arrière. Ça allait vite. Il referma la porte (sur sa veste), et s'attela à mettre sa ceinture, non sans se cogner de nombreuses fois contre le plafond. Trouver le trou de la ceinture.

- Aaah, je n'y arrive pas.

Clic. C'est fait. Mince, la veste. Il rouvrit la porte et se pencha pour ramener son vêtement à l'intérieur, un peu trop brusquement, sa ceinture le restreignait. Mais il y arriva. Il referma la portière. Attacha sa cein- non c'était déjà fait. Il ouvrit sa veste, tant bien que mal (ça lui avait donné beaucoup trop chaud) et se tourna finalement vers Satomi avec un hochement de tête décidé :

- C'est parti Miss !!

Ah, il avait oublié l'essentiel. Il voulait lui parler de ses animaux et il n'avait pas eu le temps de le faire. Il prit son téléphone portable et parcourra sa gallerie de photo jusqu'à la trouver. Il devait lui présenter :

- Regardez, il lui montra l'image affichée sur son écran, celle d'un cocker chocolat, c'était Athéna, mon chien. C'était un bon chien.

Son petit rayon de soleil s'était éteint il y a quelques mois et elle avait laissé un grand vide... il pouvait encore l'entendre, se remémorer ses petites habitudes. Cassandre sentit ses yeux s'embuer de larmes.

- Elle, elle aurait voulu que je fasse un tour de voiture. C'est très gentil de me raccompagner Miss.

Cassandre serra les dents. Les mots de Satomi et le souvenir d'Athéna, c'était un peu trop pour lui. Il ne voulait pas craquer devant elle, il n'avait pas pleuré la disparition de sa chienne, il avait enterré sa peine loin et comme toujours, il était allé de l'avant. Elle posa sa main sur sa cuisse et il se figea, noyé entre deux émotions qui n'avait rien à voir. Il rougit quelque peu et se contenta de hocher silencieusement la tête et de la tourner vers la vitre pour combattre ses larmes et la très forte passion qu'elle venait de susciter chez lui. Après quelques minutes, il se rappela où il était et pourquoi, et reposa la nuque sur le haut du siège, savourant la vitesse et la beauté de la voiture. De nuit et illuminée de la sorte, c'était vraiment quelque chose. Il devait avoir l'air bête, grand sourire aux lèvres, mais pour une fois, il s'en moquait. Il était heureux d'être ici et en digne héritière de la société Nakamura, Satomi était une pilote hors pair.

- Euh...

Cassandre rassembla le peu de concentration pour se remémorer le nom de sa rue, ce qu'il fit avec quelques difficultés. Ses clefs...? Il fouilla chacune de ses poches jusqu'à entendre leurs cliquetis familiers. Rika lui avait au moins épargné une nuit à la rue.

- Oui, je les ai regardez-hop !

Il les fit tomber sur le sol de la voiture, mais parvint à les récupérer. Pas de soucis donc. Ah, ils étaient arrivés. Satomi l'avait déposé chez lui, c'était vraiment aimable de sa part. Et maintenant, il allait enfin retrouver son appartement. Il ouvrit la porte et s'accrocha à celle-ci pour se hisser vers le haut. Il était hors de question qu'elle l'aide ! Il pouvait le faire tout seul !

- Ah non, ça suffit ! Je peux me débrouiller !

Une fois debout, il considéra la miss de la tête aux pieds. Contrairement à la plupart des femmes japonaises, elle lui arrivait à hauteur des épaules. Les talons aidaient... Rah ces chaussures, pourquoi est-ce qu'elles voulaient toutes s'agrandir ? Pas que ça le dérangeait. Au contraire, se pencher pour discuter avec une petite demoiselle lui rappelait à quel point lui était grand, ce qu'il n'aimait pas. Il se serait bien passé de quelques centimètres. Satomi était très bien, c'était agréable. Sans réfléchir, il posa sa main sur ses cheveux de jais :

- Vous êtes plutôt grande en fait.

Hmm soyeux...qu'est-ce qu'ils étaient longs et brillants... c'était très élégant. Sans transition, il fit demi-tour pour entrer dans le somptueux complexe d'appartements sans réaliser qu'elle le suivait. Il ne voyait pas pourquoi elle l'aurait fait d'ailleurs. Il appuya sur l'interphone, avant de se souvenir qu'il n'y avait personne chez lui et qu'il venait sans doute de réveiller Mino, le Ara militaire. Il détestait ce piaf, mais il était malade et son père, qui ne rentrait dans la région que ce soir, avait tenu à ce qu'il le garde. Il n'arrêtait jamais de jaqueter et Cassandre avait plusieurs fois songé à lui faire ravaler ses plumes. Il passa l'entrée principale et prit l'ascenseur, une fois sortie, quelques marches le séparaient de sa porte d'entrée, la seule de l'étage. Il s'accrocha à la rampe et les gravit avec des pas plus qu'incertains. Les clefs, la porte. Il les sortit, cherchant désespérément à l'introduire dans la serrure non sans laisser échapper quelques jurons en anglais. Il allait peut-être devoir dormir sur le pas de la porte... À moins que... Il avait réussi !

Il tourna les yeux et constata que, pour une raison qu'il ignorait, elle était à ses côtés :

- Vous êtes toujours là vous ?

Il poussa la porte, invitant la demoiselle à rentrer avant d'en faire de même et de se déchausser en prenant garde à ne pas trébucher sur ses propres souliers. Ils furent accueillis par les cris suraiguës de Mino, qui ne semblait pas mécontent d'avoir un peu de compagnie. Cassandre accrocha son manteau et sa veste au porte-manteau et défit tous les boutons de sa chemise, à l'exception de deux, pour se mettre plus à l’aise. Il alla ensuite vérifier si l'état du perroquet n'avait pas trop empiré.


- Oui, oui bonsoir Mino.

Il soupira en voyant que ses yeux n'avaient pas cessé de couler, ils allaient devoir continuer son traitement… Il se tourna vers Satomi :

- Miss, voici Mino le perroquet de mon père. Et Mino je te présente Satomi Nakamura, tu as intérêt à bien te comporter. Vous voulez un verre d'eau ? proposa-t-il à son invité.

Cassandre devait reconnaître que, quitte à choisir, il aurait autant préféré se passer du perroquet et rester avec la Miss. Mais son expression devant l'animal, c'était assez mignon. Pour une fois, Mino savait se rendre utile. Il se dirigea vers la cuisine et servi deux verres. Il lui avait montré la photo d'Athéna, mais il avait complètement oublié de lui demander si elle avait des animaux... ou si elle avait voyagé. En bref, à part faire le zouave, il n'avait pas réussi grand-chose ce soir. Enfin, elle ne semblait pas passer une mauvaise soirée et c'était l'essentiel. Il sentit les battements de son cœur s'accélérer légèrement, sans vraiment comprendre si c'était dû à l'alcool ou à la femme devant lui. Il trempa les lèvres dans son verre avant de lui répondre :

- Oui, une maladie rare. Les zoologistes n'arrivent pas à comprendre, donc ils l’ont confié à mon père pour voir s'il pouvait faire quelque chose. C'est un chercheur et un ornithologue.

Son père était un intello, un passionné des oiseaux. Il parlait peu et avait une éthique du travail comme on en trouve rarement. À cet instant, sa famille, cette réalité, tout lui semblait bien loin. Son quotidien, ses soucis, ils pouvaient les mettre de côté, le temps d'une soirée. Tant qu'il pouvait l'observer elle, discuter avec elle et...hein ? Elle l'avait parcouru du regard avec un sourire qu'il avait appris à connaître le long de la soirée. Ses boutons de chemises...! Il écarquilla les yeux en jetant un œil à son torse dénudé pour voir à quel affreux spectacle elle assistait. Il n'y avait même pas réfléchi. Sa remarque le troublait plus que son manque de pudeur. C'était vraiment à ne rien n'y comprendre. Tout à l'heure, et pour une raison tout à fait mystérieuse, il l'avait offusqué. Maintenant, elle remettait ça sur la table. Donc... elle n'était plus fâchée ? Cassandre avait du mal à se concentrer et à faire sens de cette situation. Il décida que ce n'était au final peut-être pas utile. Ce soir, il avait envie de mettre ses inquiétudes en veilleuse... Il n'avait de toute manière pas la capacité d'y réfléchir et ce n'est pas un verre d'eau qu'il l'aiderait à y voir plus clair.

Alors, il posa sur elle un regard appuyé, aussi sérieux qu'à l'accoutumé, quoi qu'un tant soit peu plus malicieux. Ses yeux glissèrent le long de ses épaules et il se fit violence pour ne pas laisser traîner ses yeux là où ils ne devraient pas. Un geste, qui aurait trahi ses envies les plus secrètes, montrer qu'à force de jouer, elle allait finir par avoir raison de lui. Aussi calme cependant, il entra dans la danse :

- Non, seulement avec vous, pourquoi ?

Une main dans la poche, en une attitude décontractée, il resta immobile. Il attendait, voir comment elle réagirait, jusqu'à où elle irait, s'il n'allait pas bientôt céder et faire un pas dans sa direction.

À ses mots, il la vit sourire et maintenant qu'ils étaient seuls, Cassandre se demandait jusqu'où cette expression les mèneraient. Avec ce sourire seulement, il avait compris qu'elle s'était faite plus téméraire. Lui répondait enfin à ses avances, par autre chose que de l'étonnement et un furieux rougissement. Sans un mot, il la détailla, suivis chacun de ses pas avec une attention infinie. L'anticipation lui fit retenir son souffle, incapable de prévoir ce qu'elle s'apprêtait à dire ou faire. Il essayait cependant, de savoir, de comprendre, son imagination jouant mille et un scénario, sans qu'il ne puisse s'arrêter sur aucun. La suite le surprit, mais ne lui déplut pas. Cette simple action provoqua en lui une vague de chaleur qui se répandit dans tout son corps. Il ne bougea pas, mais alla à la rencontre de son regard, une lueur brûlante au fond des yeux, un sourire, presque imperceptible au coin de la bouche avec la terrible envie de jouer à son tour.

Il avait oublié tout ce qui se rapportait à la femme devant lui. Qu'elle était une Nakamura, qu'il devait la protéger, leur différence d'âge. Il n'y avait en face qu'une personne, irrésistible, dont il n’avait pas encore pu admirer la beauté sous tous les angles. Sa chemise complètement déboutonnée, il se rapprocha à son tour. Depuis le départ, c'est elle qui, à sa guise, réduisait ou allongeait la distance qui les séparait. Cette fois-là, c'était à lui de décider, lui montrer qu'il pouvait lui aussi, lui imposer une certaine proximité. Il s'approcha doucement, comme si cette situation surréelle pouvait prendre fin à tout moment. Il la dévora des yeux, pensif, perdu dans un autre monde. Presque craintif, il vint déposer la pulpe de ses doigts sur sa clavicule, pour y tracer une ligne et effleurer sa peau, pour finalement atterrir sur son épaule.

- Miss Nakamura... Satomi. Avez-vous un message à me faire passer ?

C'était la première fois qu'il utilisait son prénom. Le prononcer avait des saveurs d'interdit, tout comme cette soirée, tout comme ses gestes. Il fit glisser ses doigts, le long de son cou, pour atterrir sur son visage, hypnotisé par ses lèvres. Cassandre remit une des longues mèches ébène de Satomi derrière son oreille, pour ensuite redescendre vers sa bouche et la frôler de son pouce. Et si, cette fois-là encore, elle changeait d'avis ? Et si elle redevenait froide ? Le giflait ? Se vexait ? Il n'y avait qu'un seul moyen d'en avoir le cœur net :


- Moi non plus je n'aime pas quand les choses sont faîtes à moitié. Murmura-t-il d'une voix à peine audible. Mais vous n'avez cessé de parler à demi-mots, de me faire des sous-entendus... Alors, souffla-t-il encore plus bas, si tu as quelque chose à me dire, dis-le-moi.

Il se pencha et vint déposer un baiser sur ses lèvres, puis se recula pour observer sa réaction, non sans une certaine appréhension.