we are separate, vampires in our nights aware, I’m no longer happy in there — Rosa, Rosa, Rosa, oh, where is my heart?

Cela fait déjà quelques jours que tu as quitté ce nid où les libertés n’étaient que factices ; Noah a sa part de faute dans ton départ. A trop vouloir guider, on finit par créer des barrières. Et celles-ci sont bien loin de correspondre à cette soif de liberté que tu as amassée avec le temps. Ton esprit n’aime pas les cages, même invisibles. C’est en partie pour ça que tu as fait ce choix mais pas seulement, tu as aussi ressenti ce besoin de te détacher de lui, de ce visage que tu as fini par détester par moment à force de le voir chaque jour sur des années. ET tu n’aimes pas ça. Détester cet homme qui, pourtant, a tant fait pour toi, ne mérite aucune haine et encore moins de ta part. Alors oui, peut-être que tu as fui loin de lui pour cette raison mais qu’importe, tu es partie et c’est tout ce qui est à noter.

. . .

Lorsque le jour s’éteint et laisse place à un ciel étoilé, tu décides enfin de sortir de l’endroit où tu as trouvé refuge ; un vieil hôtel peu onéreux qui a le mérite de te garder à l’ombre le temps que la journée ne s’écoule.

Devant l’entrée du bâtiment, tu prends une grande bouffée d’air frais. C’est une sensation délicieuse, lorsqu’après une journée enfermée, tu mets un pied à l'extérieur, c’est comme embrasser un nouveau monde, une nouvelle fois, chaque fois. Tu adores cette étape de la journée, te demandant parfois si le sérum ne changerait pas ça vers quelque chose de si normal que tu en oublierais ce plaisir. Mais cette fois, aucune question n’est soulevée, tu foules simplement les rues du quartier en pouvant enfin profiter de la température ambiante qui, au vu de la saison printanière ayant pris place, est assez douce et agréable.
Les odeurs qui affluent jusqu’à tes narines te laissent envieuse de cette vie qui éclot aux branches des arbres annonçant la floraison futures de fleurs. C’est toujours un spectacle merveilleux mais auquel il manque la clarté du jour pour la parfaire. Un jour, peut-être que tu pourras profiter de cela, librement, en journée. Qui sait de quoi sera faite la vie après tout.

. . .

Le long d’un chemin, tu déambules en observant le ciel jusqu’à ce que des bruits de pas t’interpellent et t’amènent à baisser le regard pour tomber nez à nez avec la silhouette d’une femme qui se balade, tout comme toi, dans ce parc à la population plutôt rare au vu de l’heure qui se veut assez tardive finalement.
Curieuse, tu l’observes d’un œil indiscret, presque trop insistant, mais la douceur dans sa démarche t’interpelle et t’appelle à elle. Tu lui offres un sourire presque trop grand quand on sait que vous ne vous connaissez absolument pas, mais tu as trop peur qu’elle ne comprenne pas ton but à travers ce sourire ; tu veux lui parler.

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Certains soirs à la nuit tombée, Miyuki se décide de quitter sa maison, le cocon où elle reste toujours de trop longues heures, à se cacher de la lumière du soleil, des gens et de l’odeur alléchante du sang dans les moments les plus compliqués. Seulement aujourd’hui, la vampire avait pu se sustenter il y a quelques jours déjà. Elle a enfin échappé à l’inquiétude de se sentir trop faible pour réussir à tenir debout, pour éviter certaines hallucinations désagréables, mais surtout à la sensation de courir à sa perte. Quand elle se sent mieux, Miyuki sort, sac à dos rempli de tout son matériel photo sur les épaules, il lui faut bien prendre quelques clichés, poursuivre sa passion qui ne la quitte pas depuis des décennies, bientôt un siècle maintenant.

C’est bien la seule chose qu’elle arrive à garder à ses côtés, la seule chose qu’elle ne pourra jamais oublier.

Elle décide aujourd’hui d’aller en direction du parc, non loin de sa maison. Elle préfère largement rester proche de la nature plutôt que de la ville, elle préfère rester loin des gens quoi qu’il arrive. Normalement, vu l’heure qu’il est, elle ne devrait croiser personne. Ou presque, elle sait bien qu’il y a toujours quelques âmes perdues dans le parc à des heures tardives, mais elle n’y prête jamais grande attention. Elle veut passer de toute façon inaperçu.

La promenade est agréable, l’appareil photo dans les mains, l’objectif souhaité enclenché, Miyuki peut enfin commencer ses photos de nuit, qu’elle postera ensuite plus tard sous son pseudonyme, chidori, ses milliers de clichés considérés comme des clichés, ce nom là est désormais connu depuis un moment dans le milieu de la photographie mais personne ne sait qui se cache derrière ses nombreuses lunes et étoiles éclairant ces clichés sombres. Cela lui plait comme ça, elle continue de passer inaperçue.

Du moins, plus à cet instant précis, le temps de quelques secondes, le temps d’un contact visuel. Miyuki croise le regarde d’une autre jeune femme, un coup d’oeil indiscret qui se fait plus insistant. Cela la gêne un peu, elle n’a pas l’habitude qu’on fasse autant attention à elle, elle aimerait poursuivre sa route sans dire un mot, seulement l’autre passante finit par lui adresser un grand sourire. Elle ne veut pas paraitre impolie non plus, alors maladroitement, trop silencieusement, mais il n’y a déjà pas un bruit autour :

« Bonsoir… »

Cela devrait être suffisant, un petit mouvement de tête en plus et Miyuki avance encore de quelques pas, s’éloigne de l’autre femme. Si elle voulait vraiment la fuir, il lui faudrait se faufiler entre les arbres et s’éloigner du chemin dessiné pour les promeneurs, mais cela serait trop suspect. Alors, elle n’en fait rien, à la place elle baisse la tête pour observer l’écran de son appareil photo pour observer ses derniers clichés, surtout pour se distraire du regard toujours sur elle.

La nuit est douce et cette demoiselle, à qui tu souris, est vraiment belle. De plus, les rayons fébriles de la lune qui forcent le passage au travers des branchages des arbres, ne lui donnent qu’un air plus mystérieux encore et la rendent plus intrigante à tes yeux. Sa beauté timide t’empêche de défaire facilement ton regard d'elle, quitte à paraître impolie ; mais qu’importe, tu ne le fais pas vraiment de façon totalement consciente, c’est simplement un désir profond qui s’exprime un peu trop franchement.
Tu es curieuse et tu veux secrètement lui parler. Enfin, ‘secrètement’ n’est pas vraiment le terme adéquat puisque tu lui offres un sourire imposant et qui est visiblement pour elle puisqu’il n’y a, actuellement, personne autour de vous. Il se fait d’ailleurs encore plus grand quand sa voix résonne dans le silence planant en ce moment autour de vous. Elle t’a remarqué, elle t’a salué. D’un simple bonsoir, certes, mais c’est bien suffisant pour initier un second contact, c’est en tout cas suffisant pour toi.

Malheureusement, alors que tu stoppes ta marche pour ne pas louper le coche, tout en la suivant du regard, tu perçois le sien qui s’échappe du tien ; elle se concentre sur l’objet qu’elle tient dans ses mains et qui ressemble très fortement à un appareil photo. Tu en déduis qu’elle doit travailler dans la photographie vu l’objectif qu’elle a qui n’a rien de celui que tu pourrais avoir entre tes mains. En tout cas, elle doit trouver, dans la photographie, une certaine passion. Elle a simplement agi par politesse mais cela est suffisant pour toi, tu la suis vaguement tout en ouvrant la bouche. Tu n’as pas eu le temps de répondre à son bonsoir et elle n’y échappera pas.

› Bonsoir !

Tu es bien plus enjouée que l’étais la jeune fille quand elle t’a salué, bien plus joviale alors que tu habilles ton visage d’un sourire doux qui cherche à faire comprendre à l’inconnue qu’elle peut te faire confiance, que tu n’es pas mauvaise ou même étrange, simplement curieuse de la jeune femme, envieuse d’en savoir plus. Tu espères simplement ne pas être maladroite et ne pas lui faire peur.

› Je vois que vous avez un appareil photo, vous êtes photographe peut-être, ou bien vous aimez simplement la photo ?

Tes questions sont directes mais pas forcément intéressées, c’est simplement le sujet le plus adéquat pour entamer une discussion avec elle, enfin, c’est ce que tu espères en tout cas. Tu viens ensuite te placer à ses côtés en ayant rattrapé les quelques pas qu’elle avait fait pour continuer sa route. Tu ne la colles pas, tu lui laisses suffisamment d’espace pour ne pas la déranger et ne pas rendre ton contact, trop fort, trop rapide, trop imposant pour elle. Après tout, tout ce qui émane d’elle, c’est la douceur et la discrétion. A côté d’elle, tu ressembles plus à un force opposée…

› J’espère que je ne vous dérange pas. C’est simplement que je ne pensais pas rencontrer une autre personne se balader seule aussi tard. Je me dis que peut-être, s’accompagner sur un petit bout de chemin, ça peut être sympa, non ?

Tu n’as aucune envie de t’imposer à elle mais ton expression ne cache pas ce que tu ressens ; tu as envie qu’elle accepte et tu ne pour éviter d’être déçue si elle cherche à se défaire de ta présence, même poliment. Tu viens placer tes mains dans les dos, les tenant l’une à l’autre tout en ne relâchant pas le sourire joviale cherchant à la convaincre de ta bienveillance. Tu es face à elle, dos à la direction qu’elle suivait et tu attends silencieusement mais impatiemment sa réaction.

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Une simple politesse aurait dû suffire en temps normal, ce n’était pas courant qu’on adresse la parole à Miyuki en pleine nuit. Cela faisait déjà bien longtemps qu’on n’avait plus fait attention à elle de la sorte, elle n’était après tout qu’une âme perdue, appareil photo en main, ne demandant pas à être dérangée, prenant des clichés silencieusement sans jamais embêter qui que ce soit. D’habitude, elle est seulement dans son monde, ne voulant pas être perçue, comme si elle n’existait pas. Mais ce soir, tout se passait différemment. Car si son salut aurait pu suffire, car elle commence déjà à s’éloigner l’air de rien, elle entend cependant derrière elle des pas se rapprocher rapidement, puis le même visage lui sourire de nouveau. Puis, des questions lui sont posées, des questions que Miyuki ne peut pas vraiment ignorer, toujours trop polie :

« Oui, je suis photographe… Mais j’aime aussi la photo, évidemment. »

Simple politesse, mais on abordait aussi sa plus grande passion, difficile de rester silencieuse à ce propos. Seulement, Miyuki reste un peu gênée, un léger malaise s’installe car elle ne comprend pas pourquoi l’autre fille insiste pour rester à ses côtés alors qu’elle suivait auparavant le chemin opposé. Désormais elle la suit, Miyuki lui jette un coup d’œil timide, mais curieux malgré tout. Puis, la jeune femme prend la parole de nouveau, proposant de s’accompagner, un petit peu…

« Ah… C’est parce que je prends des photos de nuit, j’ai l’habitude de me balader seule. »

Quelque chose d’assez alarmant à dire pour une jeune femme à l’air fragile comme Miyuki, mais après tout elle n’était pas la seule présence féminine à se balader toute seule ici même, puis elle est toujours trop gentille, même si elle se complait dans la solitude, elle ne se voit pas refuser malgré tout.

« On peut s’accompagner si vous voulez oui… Ça ne me dérange pas. »

Quelques pas silencieux encore, puis Miyuki ne peut s’empêcher d’être un peu curieuse malgré tout. Elle ne comprend pas comment on peut s’intéresser à elle, comment on peut souhaiter sa compagnie. Elle n’a rien à dire, tant de choses à cacher, elle ne pense pas mériter cette attention. Alors, tout naturellement elle finit par demander :

« Et vous…? Pourquoi est-ce que vous vous promenez en pleine nuit ? Vous attendez souvent de croiser quelqu’un pour pouvoir marcher avec ? »

Car il lui semblait tout simplement impossible que cela soit elle en particulier qu’on décide de suivre, et pas quelqu’un d’autre.

Elle te répond gentiment et confirme ta première idée : elle est photographe. Cela te fait esquisser un sourire révélateur de l’émotion qui t'envahit, tu es contente d’avoir eu raison et surtout qu’elle ait accepté de te répondre. Cela te donne la possibilité de poursuivre ton échange sur autre chose, d’étendre votre discussion un peu longtemps dans la nuit et de lui tenir compagnie quelques minutes encore. Par contre, tu perçois quand même le malaise qui né de tes interventions, elle ne semble pas aussi à l’aise que toi à l’idée de discuter avec une parfaite inconnue. Pour autant, cela ne change rien pour toi. Peut-être que c’est égoïste de ta part, mais tu ne peux pas la laisser s’échapper tout de suite, pas encore ; tu veux encore lui parler, échanger quelques informations peut-être, te lier d’amitié au mieux. Elle accepte d’ailleurs ta compagnie en précisant qu’elle a l’habitude de prendre des photos de nuit et de se balader seule, ce à quoi tu acquiesces simplement d’un geste grand de la tête.

› Vous prenez quoi en photo la nuit ? Plutôt les étoiles, le ciel entier, les arbres, des gens ?

Tu enchaines encore une fois les questions pour en apprendre plus sur elle et qui plus est, elle semble apprécier la photo, c’est donc logiquement le sujet le plus intéressant et le plus facile pour elle afin de discuter ensemble, n’est ce pas ? C’est ce que tu espères. Autant, tu veux absolument garder sa compagnie, autant, tu n’as pas envie de la mettre en défaut et qu’elle se sente acculée par toi.

› Moi ? J-

Tu réfléchis quelques secondes à ce que tu dois lui répondre ; tu ne pensais pas être pris de court aussi vite… La raison sonne très simple à tes oreilles mais c’est une chose que tu ne peux pas vraiment avouer sans en risquer quelques conséquences. Tu es un vampire depuis quelques années mais tu ne peux pas le lui dire comme ça…

› J’apprécie simplement le calme à la nuit tombée, les rues sont moins bondées et il est plus facile de circuler. Je pense que c’est un peu comme vous, vous avez l’air d’apprécier la solitude, j’ai raison, non ?

Ta voix est calme et cache plutôt bien le mensonge que tu prononces pourtant ouvertement devant elle. Mais tu ne peux pas faire autrement, tu connais tes limites, tu connais les limites tout simplement.

› Par contre…

Ta voix reprend un peu plus de gaieté et tu viens même rigoler doucement avant de rouvrir la bouche.

› je ne suis pas bizarre hein, je vous rassure, je n’attends pas tout le temps des gens qui marchent tout seul pour trouver de la compagnie ; j’espère que vous ne pensez pas ça de moi, ce n’est pas vrai, je vous rassure. C’est juste vous-

Tu tais la fin de ta phrase ne voulant pas avouer l'intérêt particulier que tu as eu pour elle depuis que tu as croisé sa silhouette un peu plus tôt. Pour autant, tu te sens pris d’une gêne certaine à la pensée de cette dévolution… Tu toussottes un peu pour reprendre une certaine contenance avant de laisser planer quelques instants de silence. Tu marches simplement à ses côtés, profitant de l’air frais qui vient décoiffer ta chevelure comme la sienne, venant de temps à autres observer les gestes délicats qu’elle emploie lorsqu’elle prend une photo.

. . .

Un bruit de chute se fait entendre un peu plus loin appelant vos deux regards à se tourner pour chercher d’où provient le bruit. Sans que tu n’aies le temps de trouver la cause de tout ce que vous avez entendu, une odeur arrive jusqu’à tes narines et t'aggresse violemment, elle excite tes sens. Ton cœur accélère et te donne cette sensation angoissante d'être coincé dans un étau alors que tes traits vampiriques crient à la libération ; tu n’arrives à rien contenir. Ton corps arrête sa marche et vient se tourner, dos à la jeune femme. Elle ne doit pas te voir comme ça, elle ne doit pas comprendre ce que tu es… Comment expliquer tes yeux qui deviennent rouges, tes canines qui appellent à croquer la chair pour en laisser échapper le fluide vitale de tout Homme… Tu as peur. Tu es perdue. Tes pensées s’animent et paniquent à l’idée de te faire découvrir. Et à l’instant présent, la seule personne qui arrive à se frayer un chemin dans ta tête, c’est Noah… Pourquoi est-ce que tu es partie… Tu n’étais pas prête, tu ne l’es pas… Tu ne veux pas faire face à tout ça, que faire ?

› J- je v- je vais vous laisser.

Tes mots s'échappent difficilement de tes lippes, sans même la regarder, tu lui annonces ton départ, ou plutôt ta fuite que tu choisis de prendre. La peur se transmet facilement dans le ton de ta voix et tu culpabilises à l’idée de partir aussi rapidement.

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« Plutôt le ciel… Des fois des paysages, mais jamais les gens, ce n’est pas mon domaine. »

Miyuki répond honnêtement aux questions, malgré elle, elle se dévoile un peu, rien qu’un peu. La jeune femme semble s’intéresser, elle ne sait pas encore si c’est envers elle, ou simplement l’appareil précieux qu’elle tient toujours entre ses mains, ni si elle fait ça avec n’importe qui et que c’est tombé sur elle par hasard ce soir… Mais malgré tout, Miyuki se laisse tenter par la conversation, elle renvoie les questions aussi. Peut-être un peu par curiosité, mais surtout pour ne pas avoir à parler trop d’elle. Elle se contente d’acquiescer aux réponses, elle était d’accord avec elle, sans avoir à en dire trop, sans avoir à se justifier qu’elle ne peut supporter le soleil, qu’elles ne peuvent pas toute les deux, mais impossible de s’en assurer encore.

Puis un petit rire distinctif s’échappe de ses lèvres, sans qu’elle ne puisse le retenir. Le rire de l’autre femme dont elle ne connaissait pas encore le nom semblait communicatif, mais c’était surtout sa réaction à sa question tout à fait justifiée qui était le plus amusant au final. Miyuki finit par secouer la tête de façon négative, elle ne comprenait toujours pas ce qui pouvait bien intéresser l’autre femme, mais ce n’était pas très grave finalement. Pour le temps de quelques instants, elle voulait bien accepter un peu de compagnie, on le lui avait déjà dit de toute manière, qu’il valait mieux pas qu’elle reste trop longtemps. Quelque part, ça lui donne l’impression d’accomplir des promesses qu’elle ne pouvait pas tenir en réalité.

Après quelques photos, quelques pas ensemble un peu plus profondément dans le parc, s’ajoute une nouvelle personne, une surprenante chute aussi que Miyuki aperçoit au loin, assez terrible pour que la personne se blesse car il est si aisé pour la vampire de sentir l’odeur du sang. Elle peut contrôler, tout va bien puisqu’elle n’a pas faim. Puis, elle est si habituée à se laisser affamer de toute manière qu’elle ne flanche pas contrairement à l’autre femme à ses côtés, qui annonce vouloir la laisser. Miyuki détourne ses yeux de la scène plus loin pour se poser sur ceux de sa compère, et elle demande innocemment :

« Vous êtes sûre ? Vous n’avez pas l’air de vous sentir bien, je peux vous raccompagner si vous vous sentez trop fatiguée ou… »

Un peu perdue, la politesse prend le dessus malgré elle. Miyuki pourrait bien la laisser s’en aller s’il en était ainsi, mais quelque chose au fond d’elle l’incitait à la retenir avec elle un peu encore, son intuition lui assurait qu’il y avait quelque chose d’autre, des non-dits peut-être bientôt dévoilés. L’autre femme semblait si ravie de pouvoir l’accompagner, le changement d’avis est bien trop soudain, bien trop anormal.

Miyuki ne sait pas quoi faire, ses yeux se reposent sur la personne au loin qui a bien du mal à se relever de sa chute. Sans trop savoir pourquoi, elle prévient qu’elle revient. Elle abandonne même son sac aux côtés de sa compère, dans une manière inespérée qu’elle puisse rester un peu plus longtemps. Honnêtement, elle ne sait plus où donner de la tête, elle qui est trop habituée à la solitude. Jamais elle n’aurait abandonné son sac pour aller aider un inconnu, mais la voilà maintenant en train de tendre la main à quelqu’un pour aider. Elle voit que les genoux et les bras sont égratignés, mais la personne assure que ce n’est pas bien grave. Alors, Miyuki jette un regard par derrière, pour voir si la personne avec elle est restée, ou non.

Tes sens en colère, tu sens ton corps réagir bien trop violemment alors que tu ne fais que sentir les effluves qui s’envolent des blessures de l’humain qui a chuté au loin ; il n’est pourtant pas à côté de toi… Mais non, ça ne change rien, cette pulsion est quand même là, elle te contrôle, cette faim qui n’était même pas si grande est désormais un gouffre dans lequel tu as envie de sauter, simplement pour y découvrir les secrets : la douceur d’une bouchée est si tentante qu’elle te dévore l’esprit si bien que tu te sens presque déjà courir vers l’humain à terre. C'est la voix de la demoiselle qui te ramène soudainement à la réalité ; elle te demande si tu es sûre d’aller bien.

› Oui, j- je vais bien, n- ne vous inquiétez pas.

Tu n’arrives pas à tourner le visage dans sa direction car tu sais que si tu le fais, elle comprendra, ou bien elle prendra tout simplement peur devant ce monstre qui se trouvera devant elle : toi.
Tu as déjà vu ton reflet dans le miroir, des yeux rouges qui rappellent le sang, et les deux canines qui dépassent légèrement de tes lèvres sont tellement étranges à regarder que n'importe serait effrayé à ta vue… Elle qui est si douce ne doit pas s’attendre à voir une vampire, surtout qu’elle se demandera très certainement si ce n’était pas calculé… Peut-être avais-tu prévu d’en faire ton repas ? N’est-il pas logique d’en venir directement à ce genre de conclusion quand on fait face à quelqu’un qui n’a qu’une image, celle d’un monstre vidant les humains de leur sang jusqu’à les voir s’éteindre…

Tu es surpris de l’entendre dire qu’elle revient mais tu ne sais pas si elle a réellement compris ce que tu as cherché à dire… Tu cherches à partir alors pourquoi t'informer qu’elle revient, tu ne seras plus là et… Que faire… Elle est déjà loin… Auprès de la victime qui te fait tourner la tête… Puis son sac, elle a laissé son sac au sol, dans un lieu où quelqu’un pourrait venir le lui voler. Tu l’attrapes, soucieuse de ses affaires, tu ne veux pas qu’elle se le fasse enlever et si elle l’a laissé, c’est bien qu’elle se doute que tu ne vas pas le laisser là sans surveillance…

Que faire ?

Ton seul choix, c’est de la laisser seule et te concentrer pour ne pas perdre pied… Essayer de reprendre ton calme et le contrôle sur ton corps qui ne semble pas vouloir obéir à ton désir profond : celui de vouloir rester calme, humaine devant ce carmin désirable. Tu viens alors te cacher derrière l’arbre le plus proche et t'asseoir là, adossée au tronc pour venir enfouir ta tête entre tes deux mains comme pour te couper au reste du monde. Seulement, les effluves sont toujours là, l’odeur reste dans l’air comme un parfum ineffaçable lorsque les fleurs sont en fêtes… Mais en l'occurrence, cela n’a rien de doux, rien de délicat comme le serait le parfum des fleurs, non, il est tentant, délicieux et affreusement enivrant ; c’est dangereux.

. . .

Cela fait combien de temps que tu te trouves là, assise sur le sol frais, à te frotter la tête, à remuer tes cheveux, à frotter tes yeux comme si l’idée qu’un simple geste de la main peut effacer le monstre qui habille ton visage… Mais au moins, ça te permet d’oublier ton environnement autour, ta panique est moins importante et ce n’est que lorsqu’une branche se casse non loin de toi que ta tête se lève sans même réfléchir vers le haut pour tomber sur la jeune femme ; elle est de retour. Et tu écarquilles les yeux, tes mains tremblantes viennent se placer en panique sur ton visage alors que tu le baisses très vite vers le sol.

› V- vous êtes de retour. J- Votre sac est là !

Tu lui tends le sac à l’aide de ta main droite, sans vraiment relever la tête.

› J- je suis désolée. J- je ne me sens pas très bien, j- je vais rester comme ça quelques minutes… j- vous pouvez y aller, si vous voulez…

Tu préfères la libérer d’une quelconque responsabilité, ta pulsion va se calmer, tu n’as plus un ou deux ans, ta faim n’est pas assez forte pour te faire perdre la tête mais tes traits vampiriques ne font encore que ce qu’ils ont envie et c’est plutôt difficile à gérer quand tu te trouves dans un environnement où l’odeur du sang est si fraîche.

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Miyuki n’était pas vraiment sûre de ce qu’elle entreprenait à cet instant précis, toute la situation lui était un peu hors de contrôle et elle se laissait naturellement guider par l’intuition. Si la jeune femme qui l’accompagnait s’était sentie mal à l’aise dès l’arrivée du cycliste et de sa chute, il valait alors mieux l’aider pour pouvoir le faire s’éloigner au plus vite. Elle ne savait pas trop pourquoi elle faisait ça non plus à vrai dire, mais maintenant que c’était commencé, il fallait continuer. Quand elle jette un regard derrière, elle ne voit plus personne, son sac n’est plus au milieu du chemin non plus, mais l’autre personne lui adresse de nouveau la parole, ne laissant pas le temps à Miyuki de plus observer les horizons autour d’elle. Il lui assure que ça va, qu’il va rentrer à pieds plutôt qu’en vélo dans l’obscurité de la nuit. La vampire acquiesce silencieusement, elle redresse le vélo à son tour pour le rendre à son propriétaire, souhaitant finalement une bonne route.

Cela ne lui ressemblait pas, mais c’était maintenant fait.
Quelque part, ça la réconfortait un peu, de savoir qu’elle pouvait se montrer avenante, aidante aussi. Elle n’était pas tant un monstre que ses pensées les plus obscures pouvaient lui faire croire parfois, elle n’était pas si isolée que ça, que ce que ses derniers proches avaient pu lui faire comprendre. Elle pouvait aller de l’avant, elle savait pouvoir aller de l’avant.

Il fallait juste un peu de volonté.

Après s’être assurée que la personne qu’elle venait d’aider était bien partie, sans se blesser de nouveau. Elle se reconcentre sur ses propres affaires, faisant volte face. Elle retourne là où elle avait laissée la jeune femme ainsi que son sac et tente de regarder les alentours. Miyuki tente alors, sans trop savoir, de s’éloigner du chemin pour regarder plus loin. C’était un peu inespéré, mais contre toute attente, elle aperçoit une silhouette assise contre un arbre, avec son sac. Elle marche par mégarde sur une branche morte, surprenant la jeune femme qui l’accompagnait qui relève brusquement la tête vers elle, dévoilant un visage différent de tout à l’heure qu’elle s’empresse de cacher derrière ses mains et quelques mensonges bredouillés.

La lune était haute ce soir et éclairait assez bien que pour deviner une couleur sanglante dans ses pupilles, des canines plus pointues qui ne demandent qu’à se planter dans de la chaire. Elle connaissait ces traits que trop bien pour l’ignorer, faire comme si elle n’avait rien vu. Elle ne pouvait pas, sachant à quel point la jeune femme semblait en détresse, elle devait pouvoir faire quelque chose, aider comme on n’a pas pu l’aider quand elle a été délaissée et abandonnée. Elle semblait jeune encore pour être incapable de cacher ses traits vampiriques, ou affamée peut-être les deux.

« Je suis désolée, mais je ne pense pas être en mesure de vous laisser toute seule comme ça… »

Miyuki s’approche doucement, ne voulant pas la brusquer elle s’accroupit auprès d’elle, hésite quelques secondes avant de tendre son bras nu vers elle un peu maladroitement.

« Ça ne va pas forcément beaucoup nourrir… » Parce que moi aussi je suis vampire, qu’elle sous-entend. « Mais peut-être que ça aidera, à cacher ce qu’il faut… »

De nouveau, elle ne comprend pas trop ce qu’il lui prend, elle se laisse aller au rythme de ses envies, et elle a juste envie d’aider quelqu’un dans le besoin, quelqu’un qui semble ressentir les mêmes détresses qu’elle a pu avoir auparavant. Miyuki, elle comprend et maintenant qu’elle est là, elle peut se montrer bienveillante, au moins pour quelqu’un.

Évidemment que tu n’as aucune envie de la voir rester là alors que tu te trouves dans cet état… Il n’y a rien d’agréable pour toi que de devoir cacher ton visage au risque de dévoiler une vérité bien monstrueuse. Mais elle ne semble pas d’accord avec ce désir qui est le tien, non, bien au contraire, elle t’informe qu’elle n’est pas en mesure de faire comme tel et vient même s’accroupir à côté de toi. Ton corps se crispe à mesure que tu la sens se rapprocher de toi.
Que fait-elle ?
Que veut-elle ?
Tu vois la peau pâle et magnifique de son bras qui se présente à toi et tu écarquilles les yeux lorsque tu comprends, lorsque tu remarques qu’elle a le même réflexe qu’avait Noah quand tu ne te sens pas bien, quand tes instincts te rappellent à l’ordre un peu trop violemment. Et les paroles qu’elle ajoute ensuite terminent de confirmer ta pensée ; elle sait. Tu lèves alors le regard plus intensément vers elle sans crainte qu’elle ne panique et finalement, c’est ta voix qui se fait entendre.

› J- Vous êtes comme moi ?

Tu cherches à savoir, à comprendre ce qu’elle est. Est-ce une humaine qui connaît simplement votre existence, ou bien est-elle comme toi, tout simplement ? Tu as envie de savoir et d’être sûre, de ne pas te méprendre sur ce que tu crois savoir. Et finalement, d’un geste délicat de ta main, tu viens gentiment repousser son bras avant de reprendre la parole.

› C’est gentil mais j- je ne veux pas. Je ne préfère pas. J- je vais réussir à me calmer toute seule et il n’y a pas grand monde.

Ton regard balaye rapidement l’horizon pour être témoin de l’absence de passage aux alentours et ne pas dire de bétise. Tu inspires profondément et expire doucement, tu essayes de travailler sur ton corps pour calmer tes esprits et cette folie qui est née de l’odeur simple du sang…

› Je déteste ne pas réussir à contrôler ce truc… Mes yeux… mes dents… c’est tellement énervant !

Tu es amer dans tes mots, mais sincère. C’est vraiment pénible de ne pas être capable d’empêcher d’afficher tes traits vampiriques simplement pour une odeur… Tu es certes jeune pour une vampire, mais ça fait déjà quelques années… Tu espères que cette phase s’arrête bientôt mais, à priori, cela risque de prendre encore quelques années. Enfin bref, tu parviens doucement à calmer tes sens, tu sens tes canines disparaître et le confirme simplement du bout de la langue. En ce qui concerne tes yeux, c’est une autre affaire, ils semblent moins enclins à écouter ce dont tu as besoin…

› Je suis désolée, ce n'est certainement pas l’idée que vous vous faisiez de votre soirée…

Tu viens doucement te relever tout en l’invitant à faire de même. Après tout, la position accroupie n’a rien d’agréable. Un sourire refait timidement son apparition sur ton visage et tu viens délicatement lui tenir la main sans pour autant chercher à forcer ce geste, si elle choisit de retirer son bras, tu accepteras tout simplement et la laissera s’éloigner.

› Je vous remercie. Vraiment. J’ai paniqué et j’ai pris peur et je suis si heureuse que vous. ‘fin… que vous soyez comme moi. Je n’ai jamais rencontré d’autre vampire à part celui qui m’a créé… C’est encore tout nouveau pour moi alors je suis contente.

Ton sourire se veut plus grand à mesure que tu dévoiles ton cœur sans même remarquer que ton regard a repris sa couleur d’origine. Tu es vraiment contente qu’elle puisse te comprendre, elle dont tu n’arrives pas à défaire ton regard. C’est presque comme si le destin avait choisi d’etre clément avec toi en amenant cette jeune femme au devant de ta route.

we are separate, vampires in our nights aware, I’m no longer happy in there — Rosa, Rosa, Rosa, oh, where is my heart?

Un peu par réflexe, sans vraiment y avoir réfléchi d’abord, Miyuki réagit comme elle aurait aimé qu’on agisse avec elle quand elle s’était retrouvée seule la première fois, quand elle n’avait plus personne sur qui compter. Elle qui d’habitude préfère se tenir si loin d’autres vampires d’habitude, la bienveillance avait naturellement pris le dessus pour une fois. La jeune femme ne semblait pas avoir de mauvaises intentions, elle avait tout juste l’air perdue et de ne rien contrôler à la situation. La découverte de la terrible vérité est toujours quelque chose de risqué, quelque chose qu’on ne souhaite pas avec des inconnus. Ça fait peur, c’est dangereux aussi parfois, Miyuki le sait très bien et elle ne se voyait donc pas mentir à l’autre jeune vampire. Alors quand elle pose la question, savoir si elles étaient semblables, Miyuki lui montre ses yeux rouges, preuve irréfutable qu’elle est elle aussi un vampire sans avoir besoin de plus se justifier.

Seulement, l’autre vampire ne préfère pas étancher sa soif avec le sang de Miyuki. Elle n’insiste alors pas, cela ne vaut pas la peine et elle respecte son choix, elle peut le comprendre. Elle la laisse alors essayer de sa calmer, en restant tout proche malgré tout. Elle ne va pas la laisser tomber, c’est bien trop dangereux à cet instant précis et qui sait ce qu’il pourrait se passer sinon. Elle se contente d’acquiescer silencieusement quand elle l’entend dire détester ne pas pouvoir se contrôler, mais cela force aussi à poser une question :

« J’imagine que ça ne fait pas très longtemps que vous avez été… transformée, n’est-ce pas ? »

Miyuki garde patience, elle secoue la tête quand l’autre femme semble s’excuser de la situation. Si la soirée est différente de ce qu’elle avait prévu à la base, elle a l’éternité pour prendre des photos. À cet instant précis, ses clichés n’ont plus vraiment d’importance. Contre toute attente, l’idée de pouvoir aider quelqu’un est plus attrayante, pour une fois, Miyuki se sent utile dans sa condition de vampire, elle peut comprendre et compatir, elle peut savoir comment réagir. Elle a l’impression de servir à quelque chose, d’avoir une raison de vivre et c’est amplement suffisant.

Elle finit par se relever, assurée que l’autre vampire est moins alerte à l’odeur du sang, elle ne semble pas encore tant affamée, elles ne doivent donc rien craindre pour le moment. Puis, sa main est attrapée et tenue délicatement, Miyuki ne comprend pas trop la raison de ce geste, mais elle laisse faire malgré tout, plantant son regard dans celui de l’autre femme.

« Oh… Je comprends, pas la peine de me remercier disons qu’on s’est rencontrées au bon moment. Je sais ce que c’est, d’avoir du mal à se contrôler, je suis contente d’avoir pu aider… Par contre, votre créateur n’est pas avec vous ? »

Une question peut-être trop intrusive, posée trop tôt aussi. Peut-être qu’elle a fini comme elle, abandonnée et laissée seule, peut-être que quelque chose de tragique s’est produit. Si la question lui avait été posée à elle, Miyuki n’est pas sûre qu’elle aurait été capable d’y répondre honnêtement (après tout, elle ne saura jamais la vérité, elle ne pourrait que le supposer). Alors, elle se rattrape un peu maladroitement, changeant peut-être de sujet.

« Vous n’êtes pas obligée d’y répondre si c’est un sujet délicat… Je pourrais comprendre, je ne connais pas beaucoup de vampires non plus à vrai dire, c’est aussi nouveau pour moi. Je ne me suis pas présentée, je m’appelle Miyuki et comme vous le savez, je suis photographe… mais aussi vampire et je vis comme tel depuis un long moment désormais… Et vous ? »

Les derniers mots sont prononcés presque silencieusement, seulement à l’égard de l’autre femme. C’est un secret, qui devra être bien gardé. Une légère pression contre les doigts qui l’enlacent, comme une promesse muette.

C’est la première fois que tu rencontres un autre vampire que ton créateur et en plus de ça, c’est une jeune femme tout comme toi ; tu écarquilles tout de même à la vision de ses pupilles écarlates car même si tu l’as déjà vu, c’est toujours étonnant pour toi. Et cette rencontre, c’est presque une bonne surprise si tu effaces de ta mémoire l’évolution de celle-ci… Pour voir les choses du bon côté, tu peux au moins te dire qu’elle aura du mal à t’oublier quand vous viendrez à vous séparer plus tard dans la nuit. Toi qui voulais en quelque sorte attirer son attention, c’est plutôt gagné finalement, non ?
Elle te demande, tout du moins, elle suppose que ça ne fait pas longtemps que tu as été transformé. Tu réfléchis un peu avant de donner ta réponse. Pour toi, tu as l’impression que ça fait déjà longtemps, mais… Si on se fit à la longévité des vampires et à la méconnaissance de son âge, tu supposes que pour elle, cela ne doit pas être si vieux.

› Vingt-quatre, ça fait déjà longtemps mais peut-être que pour vous, c’est plutôt récent… comme vous vivez sûrement depuis beaucoup plus longtemps ?!

Tu le dis en venant te gratter l’arrière du crâne, souriant un peu bêtement à cette phrase qui sonne tellement originale finalement si on ne se fie pas que vous êtes entre vampires.

. . .

Une fois tes remerciements donnés doublés de justifications, tu la relâche, libérant donc sa main afin de ne pas la gêner plus que nécessaire. Tu as beau ne pas être gênée par ce genre de contact, tu es consciente que ce n’est pas forcément le cas de tout le monde et tu respectes cela.
Ses réponses sont douces et bienveillantes et sans même en prendre conscience, tu souris après ses mots. Tu es tellement chanceuse d’avoir croisé sa route puisque tout aurait pu mal tourner… Tu aurais pu faillir à te tenir, tu aurais pu montrer ton existence à un humain, tu aurais pu… tuer tout simplement… Ton regard, à cette pensée, devient plus sombre mais tu ne veux pas afficher tes doutes alors tu reprends pieds et reprends cette assurance qui te scie beaucoup plus que l’inverse.

› Mon créateur ? J’avoue que…

Est-ce que tu dois mentir ? Est-ce que tu dois annoncer que tu as forcé cette séparation pour vivre par toi-même ? Est-ce qu’elle va apprécier ce genre de chose ? Pour autant… à quoi bon mentir… Et ce n’est pas vraiment ton genre de te cacher sous des mensonges alors tu poursuis ta dévolution.

› Je suis partie. Trop de règles, trop d’enfermement… j’ai décidé de partir il y a peu… Sans lui dire.

Tu observes ses traits pour y déceler de la déception ou un autre sentiment plutôt négatif qui se créerait sous cet aveu, mais avant même de voir quelque chose, tu insistes encore un peu en venant t’expliquer encore un peu.

› Je sais que ce n’est pas bien… Que c’était peut-être beaucoup trop dangereux, autant pour les humains que je croise que pour moi mais… vraiment, c'était devenu l’enfer… J’ai décidé de partir et j’y retournerai sûrement… Un jour…

Miyuki. Son prénom est joli et lui va parfaitement, tu souris plus sincèrement alors que tu viens en imitation, te présenter toi aussi.

› Mon prénom, c’est Yasuko et… bah je fais pas grand chose vu que…

Tu baisses le volume de ta voix.

› Je suis aussi une vampire mais… je ne peux pas encore me contrôler pour vivre comme je le faisais avant…

C’est un des points les plus tristes à aborder depuis que tu es devenu ce que tu es aujourd’hui… Le fait de ne pas pouvoir sortir en pleine journée, le fait de ne plus pouvoir faire d’étude ni même travailler dans un lieu où le passage est trop dense pour tes sens… C’est un prix à payer pour ne pas mourir mais, le prix n’est-il pas trop gros ? Tu as fini par accepter en partie car de toute façon, tu ne peux rien y faire mais… ça n’en reste pas moins lourd.

› C’est vraiment ce qu’il y a de plus dur… De ne plus pouvoir vivre comme avant… Viens-tu lui annoncer avec un regard attristé.

Tu regardes le ciel et le placement de la lune pour y définir approximativement l’avancée de la nuit, savoir l’heure qu’il est et le moment où te cacher sera obligatoire… Tu supposes qu’il est aux alentours de trois heures du matin, ce qui vous laisse quand même un certain temps avant de voir les lueurs dans dangereuses de l’aurore.

› Il n’est pas si tard et je vais mieux, vous voulez qu’on reprenne la route tout en discutant, Miyuki-san.

Tu ne peux t’empêcher d’utiliser son prénom. Elle te l’a donné c’est que tu as le droit de l’appeler ainsi, n’est-ce-pas ? C’est ce que tu penses dans tous les cas et si cela la gêne, tu es certaine qu’elle le fera savoir, ou du moins, tu l’espères.

› Vous pourrez ainsi reprendre votre occupation et prendre des photos. Je ne vous embêterai pas trop !

Tu viens dire ça comme une promesse d’enfant dans le but que l’on ne refuse pas ta présence… Mais si elle venait à refuser, tu n'aurais pas d'autres choix que de t’en aller pour trouver un autre endroit où vadrouiller avant de rentrer dans la chambre que tu loues…

we are separate, vampires in our nights aware, I’m no longer happy in there — Rosa, Rosa, Rosa, oh, where is my heart?

Miyuki se contente d’acquiescer silencieusement à la première réponse de Yasuko. Cela faisait tout de même quelques années qu’elle avait été transformée, même si ce n’est rien comparé à l’immortalité qui les attend toutes deux, cela reste de longues années à devoir supporter la soif, les crocs et ces yeux rouges si distinctifs qui tranchent avec la couleur claire de ses cheveux décolorés.

Les mains maintenant détachées, les questions se poursuivent. Miyuki est intriguée, la situation de Yasuko lui rappelle un peu la sienne auparavant. Si cela la rend nostalgique, cela la rend aussi un peu triste de savoir que de nombreux jeunes vampires finissent seuls au final, peu importe la raison. C’est pour cela que Miyuki n’a aucune envie de transformer qui que ce soit et qu’elle se tient le plus éloignée des humains en réalité. Elle n’a pas envie d’être quelqu’un qui finira par abandonner autrui. Elle ne juge pas Yasuko d’avoir voulu partir, en réalité c’est ce qu’elle aurait dû faire, elle aussi, avant d’avoir été abandonnée.

« C’est peut-être dangereux, mais je comprends… Mais vous n’avez aucune obligation d’y retourner si ce n’est pas ce que vous voulez. Vous êtes libre de faire ce que vous souhaitez, malgré les contraintes de notre condition. J’ai passé trop de temps à rester enfermée pour savoir ce que c’est… Si vous voulez faire quelque chose, faites le. »

Miyuki s’est répété ces mêmes mots de nombreuses fois pour elle. Elle avait l’expérience désormais pour connaitre ce qu’il valait mieux faire, pour ne pas se perdre. Malgré tout, elles restent humaines dans le fond, elles gardent leur faiblesses et c’est normal de douter, Miyuki la première. Alors, elle insiste encore un peu, au fil de la conversation. Elle espère pouvoir redonner un peu d’espoir. Si l’on a été abandonné une fois, il faut tout faire pour ne pas s’abandonner à son tour, après tout.

« Je sais que c’est dur, de voir sa vie changée à tout changer, d’être privée des plaisirs d’antan, d’oublier cette fragilité humaine qui nous semble si précieuse que lorsqu’on la perd… Je le sais, mais tout n’est pas perdu, je vous l’assure. C’est difficile de garder les pieds sur terre, de se rappeler de la notion du temps, de toutes ces choses. Mais vous en serez capable, j’en suis sûre. »

Après tout, il le faut. Même si devenir un vampire rend immortel, cela est avant tout une survie à jamais, trouver sa place dans un monde qui continuera de changer malgré tout. Miyuki s’est accrochée ainsi à la photographie, une passion intemporelle, qui restera à tout jamais.

Yasuko propose alors de continuer la promenade, Miyuki acquiesce distraitement avant de lever les yeux vers le ciel encore sombre. Elles ont encore quelques heures devant elle avant l’arrivée de l’aube, mais tôt ou tard, il faudra rentrer, ne pas brûler ses ailes au soleil. Il lui vient alors une question en tête, qu’elle s’empresse de poser :

« Est-ce que vous avez pu profiter du serum, pour vous protéger du soleil…? Je dois avouer qu’il est trop cher pour moi, alors même si on a quelques heures encore avant que le soleil se lève, je ne pourrais pas rester très longtemps. Mais pas d’inquiétude, je n’habite pas très loin et je connais la route. » Petit sourire, puis elle demande encore : « Est-ce que vous avez quelque part où loger du coup ? »

Puis, elle récupère son appareil photo entre ses mains avant de continuer la balade, maintenant que tout est rentré dans l’ordre. Il est maintenant beaucoup trop tard pour croiser d’autres personnes dans le parc. Il leur reste assez de temps pour quelques autres photos, quelques autres mots.

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