La vie défile presque trop vite, les jours passent et se ressemblent un peu trop à ton goût. Tu n’y trouves aucun plaisir, tu ne trouves aucune joie à voir les journées redémarrer, ni même à les voir se terminer ; tu n’es rien si ce n’est le pantin vide à l’intérieur qui ne fait que se laisser diriger par ceux qui prennent un peu de temps pour t’accompagner.
Essoufflé et fatigué, tu ne fais que survivre dans ce monde. Sans cesse à la recherche du prochain travail, celui qui te permettra de tenir un mois de plus, tu prends très peu de temps pour toi… Et par la même occasion, tu t’enfonces un peu trop souvent dans la solitude, celle que tu n’aimes pas, mais qui pourtant, t’enlace si fort que tu ne peux lui échapper.

Eh te voilà.
Encore à travailler.
Encore à survivre.

Un boulot pour un soir, parce qu’on a eu besoin de toi, d’une paire de bras supplémentaire, un remplacement dans un bar que tu n’apprécies pas forcément ; mais comme la paye est bonne, tu es là.
Il s’y passe trop de chose, des trucs qui te retournent l’estomac. La drogue est un fléau qui t’a avalé un jour… Et ici, dans ce lieu, ce fléau frappe encore, chaque soir, chaque heure, chaque minute. Tu entends, tu vois et surtout tu penses. L’idée de replonger te fait peur. Tu as beau te croire fort, la vérité n’est pas la même. Tu es faible Rajan, tu le sais, alors tu tentes au mieux d’effacer tout ce que tu vois, tous les mots que tu entends pour éloigner la tentation, pour éloigner le vice qui te caresse silencieusement.


Du bar, tu perçois la foule assez clairement et tu dévisages sans aucune discrétion les personnes qui attirent ton attention ; tu remarques d’ailleurs surtout les figures qui détonnent dans la salle. C’est comme ça que tu te trouves à observer un homme à l’allure plutôt originale, habillé de nombreux tatouages et piercings, lui donnant un air plutôt fort et presque effrayant.
Le croiser dans la rue t’aurait sûrement fait penser à un marginal, mais cette idée ne correspond pas du tout à l’endroit ; un marginal qui traîne dans ce bar, c’est un peu étrange. Surtout qu’il est plutôt bien entouré et semble attisé de l’intérêt pour beaucoup de personne.

Tu continues ton travail, tout en continuant à le chercher du regard, assez régulièrement. Finalement, c’est vers toi qu’il se dirige afin de commander un verre. Habitué au commande alcoolisé, tu ne peux cacher un air surpris quand il commande totalement l’inverse en choisissant un cocktail non alcoolisé. Pour autant, poliment, mais sans sourire, tu le sers avec ce qu’il désire et fais glisser le récipient jusqu’à lui.

Ton regard se détourne alors de lui en voyant une figure bien connu ici qui se rapproche du bar. Ton regard devient sévère alors qu’il se glisse sur lui puis sur ce qu’il dépose sur le comptoir. De la drogue. Tu ravales un grognement alors que tu reposes le verre vide que tu étais en train d’essuyer.

La tatoué est bien trop hésitant ; ce n’est pas du tout un habitué, c’est une chose que tu comprends plus aisément après le nombre de fois où tu es venu travailler ici… Puis… Quelle drogué prend de la drogue alors qu’il essaye de rester sobre ?!

Tu t’approches alors que le dealer s’en va. Tu perçois le mouvement de sa main se déposant sur les pilules et tout en fronçant les sourcils de colère, tu déposes ta main sa sienne sans aucune douceur.

« Mec. C’est pas ce pour quoi t’es v’nu ici, j’pense. Pourquoi tu restes sobre 'vec ton verre si c’est pour planer avec d'la drogue ?! Surtout q’tu sais même pas d’où ça vient. »

Tu retires ta main et sans aucune douceur, tu ordonnes plus que tu demandes.

« Donne-moi ça. »

Tu tournes la paume de la main signifiant ainsi que tu souhaites qu’il les dépose dedans. Tu observes et attends sans adoucir tes traits.

La remarque qu’il te jette te fait froncer les sourcils dans une expression qui se balance entre une colère profonde et un dédain certain pour les mots qu’il dit. Tu as certes tes défauts, mais certainement pas de voler la cam de quelqu’un pour ton propre profit. Peut-être qu’à une époque, tu aurais pu être jugé coupable de ce genre de chose, mais pour l’heure ce n’est pas le cas ; c’est d’ailleurs pour ça que tu n’acceptes pas du tout ces propos. Tu souffles du nez et hausse un sourcil, mais tu ne t’emportes pas. Tu sais te tenir, surtout quand tu te trouves en poste.

« C’est sûrement mieux que d’te voir prendre un truc qu’tu connais même pas. »

Ta main est toujours sur la sienne et ce contact ne te dérange aucunement ; il a pour seul but de l’empêcher de faire une connerie et si vraiment, l’homme en est dérangé, il n’a qu’un seul geste à faire, la repousser, tu ne l’en empêcheras pas. A sa question, tu te renfermes presque aussi vite.

« En quoi ça t’regarde ? » dis-tu te redressant et libérant ta prise sur sa main.

Il a tapé juste avec cette question… Le drogue… Oh que oui, tu as bien un vécu avec, et si tu dois te rappeler de tout ton vécu, il n’y a rien de positif qui en ressort. Tu n’étais que le pantin contrôlé par l’addiction, celle de ta prochaine dose… Mais tu n’as aucune envie d’en parler avec un total inconnu.

« T’as l’air d’être en âge de choisir. Vas-y » dis-tu d’un signe de la main l’invitant à se servir, « sers-toi. On dit souvent qu’la première dose n’est pas dangereuse. »

C’est quelque chose qui se raconte de temps en temps ; que l’addiction ne sonne à la porte qu’au deuxième passage, et qu’ensuite, elle ne vous lâche plus du tout. Mais c’est bien que du bullshit de penser ça… Tu le sais pertinemment, tu en as vu des premières fois, tu sais avec assurance qu’ils sont rares les gens qui n’accrochent pas dès la première dose ; l’euphorie est surement trop forte pour ne pas en vouloir plus.

« S’tu veux t’faire bouffer ta vie pour des pilules de merde, j’suis personne pour t’en empêcher, hein. »

Un client s’approche et te commande une consommation. Tu t’éloignes alors quelques instants du garçon afin de t’occuper de l’autre client et faire ton job en somme. Puis finalement, tu reviens afin de vérifier le choix de l’homme, ton regard se pose en direction de sa main.