Il est tard, la nuit est déjà tombée depuis un petit moment alors que tu quittes le campus universitaire de Mihara. Casque sur la tête, musique dans les oreilles, tu empruntes le chemin du retour jusqu’à chez toi, la tête pleine de pensées en tous genres. Les partiels sont terminées, mais tu n’arrives pas à décrocher du rythme de travail que tu as pris lors de tes révisions, en décembre. Tu restes toujours sur le campus ou à la bibliothèque jusqu’à pas d’heure et même lorsque tu rentres chez toi, le travail prime sur tout le reste. Tu manges rapidement, prends une douche, travailles encore un peu, puis tu vas te coucher. Nul besoin de dire que tu es en manque de sommeil.

Maintenir ta place de premier n’est pas une mince à faire. La compétition est rude et tu sais que si tu ne t’y mets pas corps et âme, tu finiras par perdre ta place. Décevoir tes parents n’est pas une option, et encore moins te décevoir toi-même. Si tu veux avoir un accès prioritaire à la neurochirurgie, tu dois être en tête des classements, et ce, dans toutes les matières.

[...]

Les températures sont vraiment basses en janvier, et bien que tu sois couvert, tu as tout de même froid. Tu remontes ton écharpe sur ton nez alors que tu accélères le pas. Les rues sont presque désertes et tu ne voudrais pas faire de mauvaises rencontres. Le fait que tu sois à Nagata n'exclut pas le fait que tu puisses te faire agresser à tout moment. De plus, ces derniers temps, il y a des rumeurs qui circulent sur des personnes qui ont perdu beaucoup de sang et d’autres qui ont disparu. Bien que ce ne soient que des bruits de couloirs, tu ne préfères pas être une de ces dernières en les rejoignant.

Ce n’est que lorsque tu reprends tes esprits que tu ressens une présence derrière toi. Paralysé par la peur pendant quelques secondes, tu t’arrêtes et te figes. On vient te taper gentiment sur l’épaule et ton corps se met de nouveau à se mouvoir, pour ton plus grand bonheur. Tu retires alors ton casque pour te retourner et faire face à l’homme qui vient de t’interpeller. Celui-ci t’offre un sourire gêné, et de sa main, il se gratte l’arrière de la tête.

“ Bonsoir, je suis désolé de vous importuner. Je ne suis pas de Mihara et je voulais savoir comment on faisait pour se rendre au campus universitaire. ”

Tu soupires de soulagement. Heureusement, il n’a pas l’air dangereux.

- Bonsoir. Il n’y a aucun souci. Il vous suffit de remonter cette grande avenue, puis vous tournez à gauche. Il devrait y avoir des panneaux pour vous aiguiller.

Pour le mettre à l’aise, tu lui rends son sourire.
Le fait que tu n’aies pas senti sa présence avant qu’il tape sur ton épaule te perturbe au plus haut point, mais tu te dis que ça doit être un contrecoup de la fatigue. Il faut vraiment que tu dormes plus, tu commences à perdre tes sens et tes repères.

“ Oh, merci beaucoup ! Au fait, je viens d’arriver. Je m’appelle Mamoto Hikaru ! ”

Tu ignores pourquoi il éternise la conversation, mais tu es bien trop gentil pour l’envoyer péter sur les roses. À ton tour, tu t’inclines et te présente.

- Enchanté Mamoto. Je m’appelle Moarai Hisao.  

Mamoto n’a cependant pas le temps d’en placer une que vous êtes interrompus. Tu sens qu’il y a du mouvement autour de vous et que ça s’agite. Un inspecteur de police ne tarde d’ailleurs pas à venir à votre rencontre, vous coupant dans votre conversation.

Tu jettes un regard à Mamoto qui, pour une raison qui t’échappe, se crispe.

Il ne le savait pas encore, mais ça faisait un petit moment qu'il était sur ses traces. Il rôda, lui l'observait. Cassandre était écœuré, s'il avait eu la bave aux lèvres, le tableau aurait été parfait. Il sentait bien qu'il s'impatientait. La faim au ventre, ses yeux n'allaient pas tarder à virer à l'écarlate. À un moment, l'évidence le frappa. Il était suivi. Ah, c'était donc le moment pour l'inspecteur d'entrer en scène. Sinon, il allait le perdre. Et ça, il ne pouvait pas se le permettre. Il accéléra le pas. Le froid lui sciait les mains et les pieds, ça faisait des heures qu'il était dehors. C'était sûr que dans ce genre de situation, être un vampire était bien pratique. Lui, trompait la fatigue et le froid. Mais qu'était-ce comparé à la satisfaction du travail bien fait ? Maintenant, que le vampire savait qu'il n'était pas seul, il se dirigeait vers le campus universitaire. C'était de la provoc' : "Tu me suis, mais je vais quand même le faire". Leur champs d'action était réduits. Il avait beau faire nuit, quelques étudiants - les plus courageux passaient ici et là, s'ils ne se retrouvaient pas pour faire la fête. Ah... il voulait jouer ? Alors il jouerait. Ils devaient attendre qu'il y ait moins de monde. Il le vit fixer un étudiant, avant de lui emboîter le pas. Il avait choisi son repas de ce soir. Le grand brun l'imita et les pris en filature, gardant une distance raisonnable de plusieurs mètres. Il avait un plan. Heureusement pour lui, il était accompagné de deux collègues. Il ordonna au premier de rester posté ici et au deuxième de contourner les bâtiments pour se retrouver dans la direction dans laquelle le vampire se dirigeait. Ils devaient faire vite. Les rues étaient sombres, seul le souffle de Cassandre trahissait sa présence. Plus il s'éloignait du campus, plus elles vidaient, et bientôt, il n'y eut plus personne. Il le vit lui tapoter l'épaule, juste sous ses yeux... Lui s'était stoppé derrière un mur, observant la scène discrètement.

L'étudiant ne fit d'abord rien. Sûrement surpris et effrayé. Puis le vampire lui demanda son chemin, tout sourire. "Mamoto Hikaru" ? Un faux nom. Bref, il était temps d'intervenir. Cassandre s'approcha doucement. Il n'avait l'air ni pressé, ni contrarié, du moins pas plus que d'habitude. En réalité, il était parfaitement calme. On ne pouvait pas en dire autant du suspect, qui tirait une tête de si pieds de long. Arrivé à leur hauteur, il les salua poliment et sortit son insigne de la Brigade des Affaires Violentes. Le jeune Hisao devrait être nerveux de sa venue, mais tout de fois rassuré de voir un inspecteur de police :

- Bonsoir, je suis Cassandre Roy de la Brigade des Affaires Violentes. Il y a pas mal de disparition dans le quartier, vous ne devriez pas vous balader seul à cette heure-ci. On a un suspect qui rôde dans le quartier. les informa-t-il.

L'inspecteur demeurait immobile, droit comme un pic. Il s'était composé un sourire poli avait tourné la tête vers ce Mamoto au mot "suspect" :

- Mamoto Hikaru, c'est bien ça ? Le campus n'est qu'à quelques pas d'ici tu devrais te dépêcher.

Il avait pris beaucoup de gants pour ne pas alerter le jeune homme. Une lueur étrange passa dans les yeux du suspect. Cassandre espérait que sa petite technique de psychologie inversée porterait ses fruits. Car à quelques mètres d'ici, dans la direction opposée à celle du campus, le piège se refermait sur lui. Et de l'autre côté, son collègue se tenait prêt. Il le vit hésiter. L'inspecteur en profita pour se tourner vers l'autre homme :

- Et tu es Moarai Hisao ? Désolé, j'ai entendu le début de votre conversation. Tu habites loin d'ici ? Il vaudrait sûrement mieux que je te raccompagne.

Le jeune adulte avait une tête tout ce qu'il y a de plus innocent. La situation aurait vite dégénéré si Cassandre n'avait pas été présent. Cassandre étendit son bras en direction de Hisao, le poussant à avancer avec lui. Son suspect hésitait. À choisir, il préférait qu'il emprunte la même direction. L'interpeller au campus restait trop délicat. Le risque fut qu'il parte dans une direction où il n'y avait aucun enquêteur :

- Non, je ne voulais aller au campus que demain de toutes façons, je vais rentrer avec vous.

Il le considéra un instant, les yeux vides de toute émotion avant de légèrement hocher la tête. Peut-être espérait-il les attaquer toutes les deux dans un endroit plus isolé ? Hisao l'ignorait, mais l'inspecteur venait de lui sauver la vie.

L’expression crispée sur le visage de Mamoto ne présage rien de bon. Quelque chose te dit que tu es dans une affaire délicate, mais tu ne saurais dire pourquoi et comment. La seule pensée qui te vient à l’esprit c’est : Vous êtes en danger, heureusement qu’un policier est venu à votre rencontre pour vous écarter de ce dernier. Voir un inspecteur de police te soulage donc, tu te sais en sécurité tant qu’il est à vos côtés.

- Bonsoir monsieur Roy. Des disparitions dites vous ? Voilà qui n’est pas rassurant…

Les informations données par l’inspecteur de la brigade des affaires violentes te font légèrement frissonner alors que tu te tournes vers Mamoto qui acquiesce d’un hochement de tête. Visiblement, vous êtes chanceux et il ne vous arrivera rien ce soir. Pour les jours à venir, tu feras bien attention à emprunter les rues les plus passantes, et peut-être songeras-tu à rentrer un peu plus tôt, quitte à te remettre à travailler une fois arrivé chez toi. Il faut que tu te préserves, surtout pour toi, mais aussi pour tes parents qui ne supporteraient pas la perte de leur deuxième enfant.

- C’est ça, monsieur l’inspecteur. Et ne vous inquiétez pas ! Vous faites votre travail. Merci de nous protéger.

Tu offres un doux sourire au géant de plus de deux mètres et tu te tournes vers Mamoto qui, encore une fois, hoche simplement la tête. Ce dernier semble on ne peut plus perturbé par la situation. La révélation de Roy l’aurait-il autant secoué ?

- Je n’habite pas très loin, il doit me rester encore quinze ou vingt minutes à pied avant d’arriver chez moi. C’est gentil de votre part de me raccompagner !

Décidément, tu ne pourras pas être plus en sécurité qu’en ce moment. L’inspecteur est enclin à faire en sorte qu’il ne vous arrive rien et c’est vraiment rassurant.

Une fois la réponse de Mamoto donnée, vous vous mettez en route, tu prends alors les devants pour guider l’inspecteur et le jeune homme qui va sans doute faire un bout de trajet avec vous avant de vous quitter pour rentrer chez lui.

Il ne fait vraiment pas chaud, mais la brise légère et glacée qui caresse ton visage te fait tout de même du bien. Elle te fait sentir vivant et tu trouves qu’il n’y a pas de meilleure sensation. Tu tournes la tête vers l’inspecteur, puis vers le probable nouvel étudiant qui va te rejoindre sur le campus, et derrière ton écharpe, tu souris. Visiblement, tu as de la chance. La gentillesse de l’un et de l’autre te touche profondément.

[...]

Après une bonne dizaine de minutes à marcher, tu finis par couper le silence en posant une question à l’inspecteur.

- Et vous, vous ne risquez rien une fois que vous m’aurez raccompagné ? Je ne voudrais pas qu’il vous arrive malheur…

Savoir que l’inspecteur sera seul ne te rassure pas vraiment. Il a beau représenter les forces de l’ordre, s’il y a un problème, il ne pourra sans doute rien faire tout seul. Du moins, ses capacités seront limitées.

- Si vous avez besoin, vous pouvez rester chez moi le temps de contacter l’une de vos équipes.

Tu souris et tu te tournes vers l’inconnu que tu as rencontré quelques instants plus tôt.

- Et toi Mamoto, tu habites où ?
“ Euh et bien… dans le quartier Asagaya ! ”

Tu fronces les sourcils. Le quartier Asagaya, vous vous en éloigner. Pourquoi donc reste-t-il avec vous ?

Hisao Moarai était tout ce qu'il y avait de plus normal, de plus agréable et de plus naïf. Cassandre ne pouvait lui en vouloir. Cette politesse... Il reconnaissait bien-là la pâte de la haute société. Il était inquiété, mais pas paniqué. En ce qui le concernait, l'inspecteur faisait tout pour se montrer rassurant. En revanche, l'anxiété du suspect augmentait à vue d'œil et il ne tarderait pas à alerter l'étudiant, ou à faire une erreur. En somme, il allait devenir imprévisible. Il n'habitait pas loin, ce qui signifiait qu'ils ne devaient pas trop s'attarder. Il ne souhaitait pas que le vampire sache où le jeune habite, où qu'ils approchent un quartier trop fréquenté. Intérieurement, il riait. Voir le vampire terrifié, cherchant désespérante une issu, il aurait presque envie de le torturer un peu plus. Bref. La vie d'un humain était en jeu. Son téléphone toujours dans la poche, Cassandre envoya un message à son collègue. Il avait pris l'habitude de procéder ainsi, de manière à rester le plus discret possible : "Bientôt. Continuez filature."

Il adressa un regard étonné à l'étudiant. Il s'inquiétait pour lui. C'est vrai qu'il suffisait d'ouvrir les faits divers pour trouver toute sorte d'histoire sordide de policiers attaqués. Au Japon cependant et de manière générale, la population était plus respectueuse des forces de l'ordre. Au Etats-Unis, les choses étaient différentes et il frissonnait à l'idée de ce qui se tramait entre vampires et Police de l'autre côté du pacifique. Mais il étant confiant. D'une part, il était entraîné et d'autre part, il s'était retrouvé dans des situations bien plus dangereuses. Il s'efforçait tout de même de ne pas trop sous-estimer son suspect. Il appréciait néanmoins l'attention de Hisao. Il aurait vraiment été dommage qu'il meure. Il continua à regarder droit devant, lui répondant nonchalamment :

- C'est gentil à vous, je vous remercie. Ça ne sera pas la peine, je ne risque rien, un de mes collègues va vite me rejoindre. Il doit être au niveau du campus universitaire.


Ça y est, ça y est. Il commençait à suffoquer, paniquer, réfléchir surtout. Vite. Mamoto cherchait une échappatoire. Et voilà, il l'avait commis, son erreur. Le quartier Asagaya était dans la direction opposée. Ah, Cassandre devrait rattraper sa gaffe, de manière à ce que Hisao ne se doute de rien. En même temps, il avait semé des petites graines dans son esprit. Il ferait tout pour ne pas rebrousser chemin. Le grand brun se stoppa pour lui adresser un regard interrogatif :

- Ah, Monsieur Hikaru. Vous nous cachez des choses ?

Il se redressa et s'approcha de lui, il lui semblait démesurément petit, recroquevillé sur lui-même, la mâchoire serrée, les poings fermés.
- Vous allez chez votre copine en fait ?

Il se relaxa d'un coup et un rire nerveux lui échappa. Il examinait Hisao d'un air énigmatique :
- Haha, oui, c'est ça. Mais j'habite à Asagaya... Et elle, elle habite...

Il chercha un instant ses mots, avant de désigner des bâtiments sur le côté :
- Elle habite juste ici. Je vais y aller d'ailleurs.

Il jeta un coup d'œil nerveux à Cassandre. Il était resté très droit et un sourire en croissant de lune lui fendait le visage.
- Faîtes donc. Lui souffla-t-il d'une voix doucereuse.

- À-À bientôt !

Il s'engouffra dans le quartier, sans se douter qu'il vivait là ses derniers instants. Pour lui, la sentence serait lourde. C'était un imbécile fini. Il fit un demi-tour pour se retrouver face à Hisao qui venait d'assister à toute la scène :
- Allons-y, il fait froid, mieux vaut ne pas traîner.

Il se remit en route. Et de manière à ne pas éveiller ses soupçons, il essaya de lui faire la conversation :
- Vous êtes étudiant ?

L’épais manteau de nuit parsemé d'étoiles recouvre déjà la ville de Mihara, rendant tout de suite les rues qui sont la journée, si paisibles, beaucoup plus angoissantes. Tu ne t’en rends pas forcément compte, puisque jusqu’ici, tu n’as jamais eu de problèmes et tu ne t’es jamais vraiment inquiété pour ta santé. Il y a sans aucun doute un voile sur tes yeux qui t’empêche d’accéder à une partie de la vérité de ce monde que tu préfères ignorer. Tu joues à l’aveugle, au sourd et au muet…Tu préfères sans aucun doute ignorer les menaces qui pèsent sur tes épaules, comme tu ignores les démons de ton passé qui s’accrochent à tes chevilles sans vouloir les lâcher. Prisonnier de ce monde et du passé, tu n’es qu’une âme errante en quête d’objectifs à atteindre, sans doute pour tromper tes sens.

Tes mirettes se posent sur Mamoto que tu sens soudainement beaucoup plus paniqué. À lui aussi, tu lui aurais proposé ton aide si l’inspecteur de police n’avait pas pris les devants. Alors que les deux discutent, tu cherches à comprendre ce qu’il se passe ainsi que le but de leur échange qui n’a pas vraiment de sens à tes yeux. Monsieur Roy est en train de trouver des excuses au jeune-homme qui prend les perches avec l’aisance d’un agneau qui viendrait de naître. Tu n’es pas dupe, pas complètement abruti non plus, alors tu comprends vite que quelque chose cloche avec ce Momoto Hikaru. Il n’est pas totalement net et sans doute, a-t-il des choses à se reprocher.

C’est la raison pour laquelle tu ne cherches pas à le retenir lorsqu’il saisit sa chance et vous quitte à la hâte, pas forcément certain de savoir où ses pas le mèneront. Il se fera sans doute attraper par les collègues de l’inspecteur qui ne manqueront probablement pas de lui faire passer un interrogatoire corsé. Dans tous les cas, tu ne l’envie pas. Mais au fond de toi, tu espères tout de même qu’il n’a pas grand chose à se reprocher et qu’il s’en tirera sans trop de problèmes. Il faut dire que c’est dans ta nature de t’inquiéter pour les autres. Tu ne peux pas t’en empêcher.

Même si Cassandre Roy te dit qu’il ira bien, tu ne peux t’empêcher de penser à lui et à sa sécurité. Il est déjà bien gentil de te raccompagner jusque chez toi, tu ne voudrais pas le faire trop attendre. Plus il rentrera tard, plus les risques pour lui se multiplieront.

Tu te mets en route et reprend le chemin vers ton appartement. Qu’il fasse la conversation t’étonne légèrement, mais tu ne vas pas non plus dire non. Tu apprécies lorsqu’on s’intéresse à toi et à ce que tu fais. Ce n’est pas de la vantardise ou du narcissisme, mais cela te prouve que tu existes bel et bien et que tu as ta place dans ce monde. Tu as régulièrement besoin qu’on te rappelle que tu mérites de vivre et d’évoluer au même titre que les autres humains de cette planète. Depuis la mort d’Ayana, tu ne peux t’empêcher de questionner l’univers et ses choix parfois douteux.

- C’est exact ! Je suis étudiant en médecine.

Tu esquisses un fin sourire alors que tu regardes droit devant toi.
Tu aimerais ne pas revenir sur ce qu’il vient de se passer, mais tu ne peux t’empêcher de t’inquiéter pour le jeune homme qui vous a quitté quelques instants plus tôt.

- Que va-t-il lui arriver ? Est-il le suspect que vous recherchiez ?

En toute vérité, Cassandre était beaucoup plus préoccupé par les potentielles vibrations de son téléphone dans sa poche que part la vie de cet Hisao. Toutefois, la mission exigeait qu'il s'y intéresse, qu'il fasse semblant du moins. Chose qu'il n'avait pas l'habitude d'essayer. Il avait eu l'occasion de s'entraîner de longues soirées mondaines durant, mais il était souvent difficile de lui arracher autre chose qu'un hochement de tête poli. Il en ressortait généralement vidé et jurant qu'on l'y reprendrait plus jamais. Il prit cependant la peine de le regarder et réfléchir à ce qu'il pourrait bien lui répondre. Un étudiant en médecine, ce devait être un acharné du travail donc, surtout pour rentrer à une heure pareille. L'autre question le surprit. Il se souciait du suspect, ou bien il avait eu une belle frayeur et il voulait savoir à quoi il avait échappé. Dans tous les cas, il était plus perspicace que ce que Cassandre aurait imaginé. Par ailleurs, il avait pris le soin d'attendre qu'il soit parti pour le questionner. Il en déduit donc qu'il était prudent, posé et patient... et qu'il accordait une confiance inquiétude aux inconnus. Il avait beau lui avoir présenté son badge, il n'avait jamais douté de sa sincérité et il ne remettait pas en question sa façon de procéder.

Lui cacher la vérité maintenant que le danger était écarté ne servait plus à rien. Avec le vampire hors de vue, le secret ne risquait plus d'être compromis.

- Vous êtes intelligent. Oui, c'était la personne que je recherchais. Nous allons d'abord l'interroger pour voir de quoi il en retourne. Puis il sera jugé en conséquence.

C'était un adulte, mais avec un visage si angélique, Cassandre ne savait pas s'il était prêt à entendre cette vérité. Il continuerait à s'inquiéter pour lui, sans savoir que c'était le sort d'un meurtrier qui le préoccupait. Il ajouta, pour le rassurer :

- C'est mieux ainsi.

Il fixa le sol quelques instants, leurs ombres les suivant dans leurs courses. Au fond, ces paroles ne suffiraient pas à calmer ses préoccupations, mais au moins, il connaissait la vérité. Enfin, à moitié. L'inspecteur se rappela sa propre jeunesse, un monde où les vampires n'existaient pas et où le danger rôdait dans l'ombre, susceptible de lui sauter à la gorge à tout moment. Depuis qu'il savait, l'idée que des humains puissent se balader, ignorant la menace qui planait, l'angoissait. Lui pouvait se défendre, ou du moins faire attention. Ce n'était pas le cas de cet étudiant. Les protéger était le rôle qui incombait à sa profession.

- Vous êtes étudiant en médecine, quel genre de poste est-ce que vous visez ?

Partir sur un sujet plus léger était préférable. Et puis, il ne souhaitait pas s'étendre sur le sort du vampire.