Réglé comme une horloge, pour changer de tes habitudes.
Il est 20h14, et tu entres dans ta douche dans une minute précise, le temps que la salle de bain se réchauffe. Tu te souviens encore quand tu es arrivé à Mihara, dans ta nouvelle maison, et que tu as découvert l’existence de ce chauffe-serviette qui suffit à réchauffer la pièce entière pour rendre plus agréable le moment avant et après la douche. Si quelqu’un t’avait vu, on aurait sûrement rigolé de toi avec tes grands yeux, tel un merlan frit, à se demander encore qu’est-ce que ça pouvait être que cette drôle d'invention alors que tu as vu bien pire et bien plus étrange au fur et à mesure des années.
Mais c’est qu’au moins, tu n’y touches pas, et là, tu as dû y toucher.
Tu aurais pu, tu aurais sûrement arrondi le dos et craché comme un chat devant un étranger.
Mais tu n’es pas un félin, tu es un vampire, donc il y a erreur sur la personne.

Ceci dit, tu dois avouer que c’est bien pratique, et tu vas désormais être le dernier à te plaindre comme tu as réussi à savoir comment dompter la bête à l’aide de ton support préféré : de l’écriture sur papier. Une notice, plus précisément, t’a expliqué le fonctionnement et la signification des différents signes au même titre que les différents modes, et soudainement, ça te paraissait bien plus facile et accessible, à ton plus grand bonheur,
Le temps de quelques minutes, tu as eu l’impression d’être un véritable génie.
Avant de réaliser que c’était la chose la plus banale possible pour un humain de cette génération.
Tu gardes donc ta fierté mal placée pour toi et en profite simplement dès que possible, tu te demandes même comment tu as réussi à te passer de toutes ces petites choses du quotidien, à une époque. Surtout que tu demandes à toujours avoir le dernier modèle, convaincu qu’il va forcément chauffer mieux que le précédent… et le même apprentissage doit toujours se refaire.

Mais là n’est pas la question ni le sujet aujourd’hui. Nous sommes lundi et donc, d’après ton agenda, ce soir tu vas faire un petit tour à la bibliothèque pour voir les nouveaux arrivages et en profiter, dans le calme ambiant. La bibliothécaire à temps partiel, du nom de Hairi, qui est dans la même condition physique que toi, dirons-nous, t’a expliqué que les jeunes lors du mois de décembre sont généralement plus nombreux à réviser. C’est un phénomène que tu avais déjà pu remarquer il y a de ça quelques années, sans pour autant pouvoir mettre un mot dessus, et c’est elle qui y a répondu pour toi :
Ce sont des partiels.
Là où toi, tu étais terriblement chanceux d’avoir accès à une éducation qui est désormais la plus basique possible, eux ont des examens réputés comme particulièrement difficiles à des périodes précises.
Alors lors de la période hivernale, tu te permets de venir plus souvent pour bouquiner, 5 soirs par semaine au lieu de 3, en profitant aussi pour observer les gens. Tu apprends encore au quotidien à t’adapter à eux, tu cherches toujours à te calquer sur les nouvelles habitudes pour te fondre dans la masse tandis que parfois, tu prends des notes, ou encore, tu gribouilles un rapide portrait.

C’est d’ailleurs ce que tu prévois de faire, entre deux pages, alors tu passes dans ta bibliothèque personnelle après t’être confortablement et chaudement [Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien]. Les journaux remplis, que ce soit de brouillons qui dépassent, de feuilles ajoutées, de tâches d’encre ou de millions de mots, sont mis les uns après les autres sur différentes étagères et dans un ordre chronologique précis.
Sur ces bouts de papiers, plus ou moins anciens, c’est toute ta vie qui y est rédigée.
Tout ce que tu as vu.
Entendu.
Vécu.
Et aujourd’hui n’y fera pas exception, tu prends donc celui qui est abandonné sur un bureau ordonné mais désordonné aux yeux de n’importe qui.
C’est ton chaos à toi, et toi seul peux t’y retrouver, comme tu es celui qui y retrouve ton fidèle stylo plume, un crayon gris et des feuilles volantes vierges. Tu les glisses dans ta poche tandis que tu gardes ton journal sous le coude, sortant aussi rapidement que tu as pu entrer dans ton antre, fermant à clef derrière toi par souci de paranoïa avant de descendre les escaliers de ta trop grande demeure.
Tu passes la porte d’entrée et l’air extérieur te caresse douloureusement le visage, t’intimant à plisser des yeux avant de monter ton écharpe noire sur le bas de ton visage, pour chercher à te protéger aussi bien que mal. Tes chaussures semblables à des rangers de l’armée cramponne la neige alors que tu te diriges plus ou moins rapidement vers le lieu de ton rendez-vous, ne cherchant pas à traîner plus longtemps que nécessaire dans cette température mais surtout ne tenant pas à laisser la neige s’installer confortablement sur le haut de ton crâne.
C’est que tu sors d’une douche, et tu as l’impression de prendre une deuxième douche, mais sans eau !

Après une dizaine de minutes de marche -très- rapide, te voilà devant la grande bâtisse que tu te presses de pénétrer. Un frisson traverse ton échine et une fois ce dernier passé, tes yeux s’ancrent directement dans ceux de la bibliothécaire que tu salues d’un grand sourire, qu’elle te rend avec plaisir avant de retourner à ses affaires.
De ton côté, tu retournes aussi aux tiennes, ou plutôt celles que tu dois commencer, en t’installant à une table isolée. Ce soir, étonnement, tu trouves qu’il n’y a pas grand monde, mais quelque chose te dit que la neige a peut-être bloqué quelques jeunes élèves. Tu espères en tout cas qu’ils sont bien au chaud, et qu’ils pourront étudier s’ils le souhaitent, priant pour leur réussite au fond de ton cœur, comme on a pu le faire pour toi il y a si longtemps.
Mais tes pensées altruistes s’arrêtent ici, car dès que tu as déposé ton manteau sur le dossier de la chaise et posé tes affaires sur la table, tu t’avances vers une bibliothèque spécifique que tu avais pu commencer à lire en long, large et travers avant de rentrer vendredi dernier.
Ton but est de lire chaque livre ici, quitte à ce que ça prenne très longtemps, après tout…
Ce n’est pas le temps qui te manque.
Tu en attrapes donc un que tu ne retrouves pas dans ta mémoire et retournes à ta table, cette fois pour t’y poser et ouvrir le livre, laissant les minutes commencer à s’écouler alors que tu remontes tes lunettes pour pouvoir te plonger dans ta lecture.

Et le temps passe.
Sans que tu ne réalises à un seul moment.
A aucun moment tu ne remarques que ça fait déjà bien 1h30 que tu es dans le même roman, la seule chose qui te fait lever la tête de cet univers créé de toute pièce par un auteur inconnu, c’est un rire pour le moins singulier.
Tu regardes la source de ce bruit et comprends que tu n’avais même pas pris en compte leur présence jusque là, trop obnubilé par les mots qui peuvent défiler sous tes yeux. Mais c’est bien difficile de rester concentré quand un rire aussi aigu arrive jusqu’à ses oreilles, même avec toute la force mentale du monde.
Mais c’est sans aucune colère que tu les regardes, plutôt avec envie. De ta table, complètement coupée du reste de la terre, tu apprécies observer des jeunes personnes rire et apprécier la vie même pendant des périodes aussi complexes que celles qu’ils doivent traverser pour réussir leurs études.
Tu pourrais, tu leur dirais sûrement de profiter autant que possible de ces instants, mais à la place, tu poses un marque page à la page où tu t’es arrêté avant d’attraper ton journal pour y écrire quelques lettres, quelques mots, quelques lignes. Et tu t’arrêtes seulement quand tu sens la présence de Hairi se rapprocher de toi, sûrement venue pour discuter avec toi de ce groupe :

— Ils ne te dérangent pas ?

Tu hausses un sourcil avant de poser ton crayon, lui offrant toute ton attention, alors que tu lui réponds discrètement :

— Pas le moins du monde. Est-ce qu’ils dérangent les autres jeunes élèves ?

Tu la vois regarder autour d’elle, autour de vous, et elle remarque aussi bien que toi que finalement, personne n’a l’air de vraiment les prendre en compte. Les quelques personnes présentes sont aussi concentrées que tu l’étais auparavant, mais eux, ont souvent des écouteurs et un thermos rempli de café pour réviser le plus longtemps possible.
Alors quand elle repose son regard sur toi, elle sait déjà ce que tu vas lui dire, et tu l’entends expirer presque de manière exaspérée pendant que tu le dis tout de même à voix haute :

— Autant les laisser profiter, non ?

Tu peux voir sur son visage et dans le bruit que sa langue fait contre son palais qu’elle veut te contredire, son travail est de faire respecter le silence, mais en même temps, elle aussi vit depuis plus longtemps qu’il ne faut et sait à quel point c’est important.
Alors elle repart, non pas sans te faire bien comprendre qu’à la moindre plainte, ça sera uniquement ta faute, mais tu l’assumes déjà, comme tu l’as bien souvent fait pour préserver une mortalité trop fragile.
Jusque-là, tu préfères reprendre ton observation, un sourire bienveillant scotché sur le visage, veillant à ce que l’on ne te surprenne pas tout de même.
tu ne voudrais pas les mettre mal à l’aise.

Ton regard croise celui d’un étudiant et alors qu’il t’offre un sourire que tu assumes être désolé, tu lui en offres un simplement compréhensif, même si tu doutes qu’il le remarque vu qu’il repose directement son attention sur ses amis. Ils ont l’air de faire un sacré groupe, même sans les connaître, c’est difficile de ne pas se faire cette remarque, tellement ils ont l’air soudé et proche. Lentement, tu fais quelques traits hasardeux sur ton journal, et plus ces derniers se multiplient, plus la scène devant toi y prend forme.
En parallèle, tes oreilles ne ratent pas les murmures plutôt bruyants considérant que vous êtes dans une bibliothèque, et cela te fait sourire une nouvelle fois. Tu passes donc pour un étudiant, mais c’est sûrement logique vu la tranche d’âge dans laquelle tu es bloqué pour l’éternité, et d’autant plus quand l’on te voit écrire avec un livre près de toi. Tu as l’air de réviser, si tu en comprends bien ce que tu entends, jusqu’à ce que tu ne comprennes finalement plus aussi bien. Une langue étrangère arrive à tes tympans et tu peux bien reconnaître l’anglais, mais ce n’est pas une langue que tu maîtrises particulièrement à l’audition, tu as plutôt l’habitude de le lire. Tu ne cherches donc pas plus à comprendre, au même titre que l’étudiant qui explique ne pas comprendre l’anglais. La dynamique te fait souffler du nez pour retenir un rire, mais dès que tu entends l’un d’eux proposer de venir te voir, discrètement, tu arrives à cacher ce que tu as pu gribouiller jusque là alors que l’inconnu vêtu de blanc s’occupe de fermer son livre.

Lorsqu’il est près de toi, tu rends sa salutation d’une petite main, le regardant innocemment si l’on ne pense pas au fait que les écrits cachés parlent d’eux et que le brouillon juste à côté les représente. Tu as l’habitude de cacher ce genre de choses in extremis, ne permettant pas aux personnes qui peuvent s’y intéresser un peu trop de regarder véritablement ce qui peut se cacher dans ton journal, tombant finalement sur des écrits complètement sans rapport avec ce qu’il se passe, semblable à une histoire imaginée… si l’on ne prend pas en compte que ce n’est qu’une autre observation, plus ancienne.
Quand il se présente, tu enregistres dans un coin de ton esprit son nom avant de légèrement baisser la tête pour le saluer proprement, énonçant à ton tour ton prénom par politesse mais aussi car tu as pris l’habitude de suivre le rythme, et ici, tu as bien entendu qu’il te demande ton appellation. C’est donc logique que tu lui répondes, bien que vous ne vous connaissiez pas du tout.

— Il n’y a pas de problème pour le bruit, ça ne me dérange pas. Je suis Rui, enchanté.

Sincère malgré tout, tu remarques qu’il n’a pas l’air forcément des plus à l'aise en ta présence, comparé avec sa table d’amis, à son langage corporel qui signe soit de l’anxiété soit de la timidité. Tu n’as aucune idée de comment il peut bien être, de son caractère, mais tu serais étonné d’apprendre qu’il puisse être timide, alors tu mets plus ça sur le dos de l’anxiété, tandis que lui s’occupe à jouer avec ses manches. Et tu confirmes finalement tes pensées dès qu’il te propose de venir les rejoindre, se faisant appuyer par un de ses amis qui a plus l’air accusateur que l’inverse. Un rictus se forme sur ton visage alors que ton regard perçant passe de Liam à l’inconnu encore en train d’étudier, ou plutôt d’essayer. Certes, le rire du jeune homme a l’air d’être particulièrement communicatif, mais tu n’as pas eu l’impression que celui qui a parlé anglais cherchait vraiment à aller contre son sens.
Cependant, tu peux très bien entièrement te tromper, et tu n’as de toute manière rien à dire à ce propos, alors tu reposes simplement ton attention sur celui qui se trouve en face de toi, cherchant une réponse à ses questions. Des partiels, tu n’es pas sûr de pouvoir dire que tu es en train de réviser pour en passer, mais en même temps, qu’est-ce que tu pourrais dire d’autres ? Tu doutes pouvoir expliquer que tu lis simplement pour le plaisir d’apprendre, ou que tu as déjà passé des partiels, ça te paraît presque illogique de dire ce genre de choses à cette génération qui n’a l’air d’apprendre que dans le but de réussir.
Tu hésites donc un court instant, tes yeux perdus sur tes affaires, mais tu décides finalement de ne pas partir sur l’idée des partiels, car ça serait plus t’enfoncer dans la boue que l’inverse. Comment est-ce que tu pourrais expliquer que tu es libraire sinon, si ils viennent un jour dans ta boutique ? Tu éclaircis ta gorge, cherchant tes mots une dernière seconde avant d’enfin lui répondre, ton visage mimant son expression joyeuse :

— Je viens souvent ici, en effet. J’ai déjà passé mes derniers partiels il y a de ça quelques années déjà, mais je continue de lire pour me cultiver. Je peux possiblement vous aider à réviser, qui sait, j’ai peut-être déjà lu un livre sur vos sujets.

Quelques années, à vu de nez il faudra sûrement que tu dises qu’elles ont eu lieu il y a 2 ou 3 ans, pas beaucoup plus. Tu cherches dans ton esprit et tu aurais donc un niveau master, ce qui ne te parait pas spécialement étrange vu tes connaissances. Surtout que, comme tu viens de le dire, tu as sûrement déjà lu un livre sur ce qu’ils sont en train d’apprendre, car vu tout ce que tu as pu lire… tu doutes finalement de l’inverse. Ceci dit, tes connaissances sont les plus excellentes dans ton domaine de prédilection, ce qui sera sûrement ta meilleure piste si l’on te demande les études que tu as pu faire. Tu as l’habitude de mentir sur ton parcours, ta vie qui n’est qu’un long fil de mensonge depuis longtemps désormais, mais tu dois toujours légèrement l’adapter pour te permettre de rencontrer des nouvelles personnes et discuter avec eux.
Tu ranges tes affaires en faisant attention à ce que rien ne puisse tomber dans sa vision avant de regarder la table derrière lui, un grand sourire qui étire tes lèvres et forment deux croissants de lune au niveau de tes yeux :

— Si ça ne vous dérange pas, en tout cas ?

Tu préfères leur demander, même si tu imagines bien qu’en ayant Liam qui t’invite, la réponse est déjà toute donnée. Ca te rassure tout de même d’avoir leurs propres avis sur le sujet, car tu restes un inconnu, et tu doutes que chaque membre de ce petit groupe d’amis soit aussi sociable qu’à l’air de l’être le jeune humain.

Quand tu entends le surnom quant au fait que tu es techniquement plus ancien que lui dans le monde scolaire, tes yeux s’écarquillent quelques secondes avant qu’un sourire attendri s’affiche sur ton visage, tu ne t’attendais pas à ça et surtout pas à l’entendre rire directement derrière.
Tu n’as plus l’habitude de rencontrer des personnes aussi extraverties, depuis le temps.
Tu apprends dans le tas qu’il est le plus âgé dans le petit groupe qui constitue la table et tu le regardes avant de les regarder un à un, n’ayant aucune capacité de définir proprement leur âge de toute manière. Mais si cela peut lui faire plaisir de se dire qu’il n’est pas le plus âgé, autant dire qu’il ne l’est pas et de bien loin…
Au moins bien 220 ans de plus, à vue de nez. Et l’idée te fait sourire un peu plus.

Calmement, tu le suis jusqu’à la table jusque là bruyante, saluant d’un mouvement de la tête les inconnus mais les remerciant aussi de t’accueillir dans leur groupe par la même gestuelle. Tu cherches un endroit où t’installer mais on ne peut pas dire que de la place soit visible jusqu’à ce que Liam se dépêche de ranger quelques affaires pour te laisser s’installer à côté de lui, et tu attends donc patiemment tandis qu’un de ses collègues commence à faire la conversation.
Toute ouïe, tu le regardes pour lui prouver qu’il a toute ton attention. Tu l’observes presque d’un oeil trop curieux pour être naturel, mais ce dernier semble être de suite plus doux dès lors qu’il s’amuse à faire le pitre par rapport à la situation globale. Ils ont d’autant l’air plus proche que tu ne voulais l’assumer jusque là, pour rigoler comme ça et chercher à embêter son prochain, tu y trouves un côté chaleureux et presque attendrissant.
Ils te font penser à ceux que tu as connus, il y a bien longtemps, et avec qui tu souhaitais étudier puis grandir.
Des questions sont soudainement lancées envers ta direction et tu réfléchis automatiquement à tes réponses, sans pour autant chercher à t’éloigner de la vérité, mais c’est une autre pseudo dispute qui se déclenche à cause d’un geste qui avait sûrement pour but de le faire se taire. Ce qui est confirmé par l’index qui signifie de clairement fermer sa bouche, et automatiquement, tu rigoles, amenant une main jusqu’à tes lèvres pour en cacher ton visage rieur et silencieux. Seuls sont visibles tes yeux en forme de croissant de lune, preuve que la situation te fait agréablement rire, même si tu n’as pas vraiment l’occasion d’en placer une.
Surtout lorsque tu entends le jeune au pull blanc se moquer à son tour, parlant de… MBTI. Terme inconnu à tes oreilles, tu penches la tête légèrement sur le côté alors que tu le regardes avec un point d’interrogation invisible au-dessus de ta tête. ENFP, ESTP, tu n’as absolument aucune idée du sujet dont ils peuvent parler mais un côté de toi t’intime que tu devrais peut-être être au courant, alors tu gardes juste silence, comme tu l’as fait jusque là, alors que la scène se déroule sous tes yeux, un sourire timide qui ne te quitte pas.
Et tu penses que le calme va enfin s’installer, que tu vas enfin avoir l’occasion de parler, mais ce sont des présentations qui se font soudainement après un pied qui s’écrase sur un autre. Tu regardes chaque personne sur lesquelles tu peux enfin mettre un nom et leur offre une salutation personnelle à chaque fois, hochant de la tête à répétition avec politesse et respect. Dans le tas, tu baisses les yeux vers la table et déposes enfin tes affaires, écoutant toujours d’une oreille les origines de chacun, ce qui explique bien plus facilement le fait que tu as pu déceler de l’anglais dans leur conversation plus tôt…
Puis revient cette conversation sur les MBTI.
Qui se fait couper aussi vite par Liam, disant ouvertement que tu ne connaissais peut-être même pas, et automatiquement, c’est un sourire désolé qui s’impose, pour lui faire comprendre que tu ne connais effectivement pas. Tu t'assois à son invitation et profites enfin du calme environnant pour répondre à toutes les questions que tu as pu enregistrer dans le tas, faisant enfin une présentation en bonne et due formes :

— Pour reprendre depuis le début… Il n’y a pas de problème pour le bruit. J’ai fait un master en histoire, et comme j’ai 26 ans, ce n’est pas si jeune, finalement.

Tu souris, tu as repris l’âge auquel ta vie humaine s’est arrêtée, et à force de te renseigner, tu sais qu’un master est largement accessible jusqu’à 24 ans, techniquement. Il suffit d’avoir commencé dès la sortie du lycée et d’avoir enchaîné les études.

— Je suis désormais libraire, je me spécialise dans les archives.

Rien de faux là-dedans, surtout quant au fait que tu te spécialises dans ce domaine. Vu le nombre d'anciens livres que tu as, c’est même parfaitement logique, sans compter sur les nombreux journaux écrits de ta main et gardés secrets.

— Quant au… MBTI ? Je n’ai effectivement aucune idée de ce que ça peut bien être, j’en suis désolé.

Tu baisses la tête, comme si c’était une terrible erreur, surtout quand tu vois à quel point ça a pu les rendre joyeux. Ils avaient tous l’air plus intéressé à l’idée de savoir quelle était le tien que le reste, après tout…
Puis tu leur laisses reprendre leur discussion, t’intéressant notamment à chaque endroit d’où ils viennent tous. Ce n’est finalement que lorsque la dénommée Mitsuki fait signe à Liam, qui se lève assez rapidement pour te surprendre, que tu abandonnes la discussion pour le regarder, curieux de ce qu’il se passe.
Et ce n’est que lorsque tu entends une suite de boissons que tu comprends qu’il doit sûrement aller les chercher, et au fond de toi, tu espères simplement qu’il ne te pose pas la question, car tu ne voudrais pas être malade devant eux, sauf que forcément, par politesse, il le fait, et tu ne peux pas refuser. Tu avales maladroitement ta salive, faisant mine de réfléchir à ce que tu peux vouloir, ignorant les remarques par rapport à ce que tu pourrais faire à ses amis si ils t’ennuient, ou encore cette notion de kink qui réveille en toi une série de livres qui en ont fait mention. Tes oreilles se mettent à rougir, malgré toi, mais il n’y a pas un moindre signe de gêne ou d’inconfort sur ton visage et tu espères que la couleur passera inaperçu aux yeux de tous tandis que tu réponds qu’il n’y a aucun souci à Kaosar, un sourire plein de compassion par rapport à la situation.
Tu n’es clairement pas le plus mal à l’aise dans cette histoire, et tu as l’habitude de cacher tes émotions, bien que tu puisses enregistrer chaque chose qui se passe actuellement dans une petite boîte de ton esprit.
Et la question revient encore une fois vers toi, te faisant lever les yeux une nouvelle fois vers Liam, toujours sans réponse.
T’es bien coincé, en fait.
Tu te racles la gorge, à court de solution pour esquiver la situation, tu n’as qu’à espérer que tu ne seras pas trop malade, mais dans ce cas, tu préfères lier l’utile à l’agréable.

— Ça te gêne si je viens avec toi ? Je suis assez compliqué en boisson et je ne sais pas ce qu’ils ont.

Pas une once de mensonge, car tu souhaites un café, histoire de profiter du goût quitte à le regretter plus tard. Cependant, tu es véritablement compliqué sur le sujet car tes choix se sont d’autant plus affinés au fur et à mesure des années qui se sont écoulés et tu ne voudrais pas qu’il se trompe, ou lui donner une commande impossible.
Tu te lèves de ton siège, lui offrant un sourire en espérant que tu ne le déranges pas, avant de regarder le groupe d’amis.

— Méfiez-vous de la bibliothécaire, si je ne suis pas dans les parages, je ne peux pas vous garantir qu’elle ne viendra pas vous sermonner.

Tu rigoles légèrement, après tout, c’est bien toi qui as fait barrière plus tôt quand elle commençait à être agacée vis à vis du bruit qu’ils pouvaient faire, même si tu as la vague impression que ça sera bien calme sans Liam dans les environs…
Et en parlant de lui, tu le regardes, prêt à le suivre.

Vous sortez ensemble du grand bâtiment, toi derrière ton manteau et lui derrière son pull qui n’a pas l’air de beaucoup le réchauffer. Tu retiens un sourire moqueur, voire attendris, devant son frisson avant de le suivre sagement, les yeux rivés vers le sol tandis qu’il te parle, reconnaissant.
Et automatiquement, tu souris, sans te retenir, cette fois.
Tu relèves les yeux pour l’observer, pour voir son sourire à lui aussi, que tu entends déjà dans sa voix, et tu réponds avec douceur :

— Ce n’est rien. Je ne t’aurais pas laissé y aller seul, de toute manière.

Parce que comme il l’a dit, c’est plus sympa de ne pas y aller seul. Même si tu n’avais pas un but, tu aurais trouvé quelque chose pour ne pas qu’il se détache du groupe, sans rien, ni personne.
Tu trouves ça terriblement triste, peut-être parce que tu l’as trop souvent vécu, finalement.
La solitude, c’est un sentiment qui est toujours difficile à apprivoiser, après tout…
Puis le reste du trajet est calme, silencieux, simplement rythmé par vos pas jusqu’à ce que vous arriviez dans le café de son choix. Tu regardes autour de toi, curieux, avant de t’intéresser de plus près au menu, pesant le pour et le contre jusqu’à votre commande, que vous attendez jusqu’à ce que ton attention se fasse attraper par une jeune serveuse qui fait tomber des boissons. Tu t'apprêtes à aller l’aider, ta chevalerie qui remonte à bien longtemps te criant de le faire, mais tu n’en as pas le temps comme Liam y va dès que possible, et tu l’observes.
Tu le regardes alors qu’il l’aide, qu’il ramasse avec elle, qu’il cherche à la rassurer. Elle, ne fait que s’excuser, elle a l’air terrorisé, tremblante, au bord des larmes.
Tu penches la tête sur le côté, tu n’as jamais vraiment connu l’anxiété dans ce cas, après tout, c’est une forme bien précise que tu ne peux pas avoir touchée une seule fois dans ta vie comme tes études étaient à une époque bien différente, mais qu’ensuite tu as connu la solitude, et finalement tu as terminé à ton propre compte.
Alors, oui, tu n’as pas l’empathie que Liam a envers cette jeune femme, pour autant, tu trouves ça brave et respectable de sa part de prendre du temps, et ce sentiment ne fait que grandir quand il s’inquiète pour toi une fois de retour à tes côtés.
Directement, tu le regardes et lui offre un sourire qui se veut rassurant, accompagné par tes mots :

— J’ai tout le temps du monde, et je préfère encore qu’elle prenne son temps.

Parce que tu n’es pas là pour crier, t’énerver, ou mettre mal à l’aise quelqu'un. Pour toi, le temps est un concept désormais compliqué à comprendre, or lorsque tu as rendez-vous ou que tu as un planning à suivre. Alors attendre quelques minutes de plus…
C’est bien le dernier de tes soucis, surtout lorsque tu es en bonne compagnie.
Alors tu l’écoutes, simplement, monologuer un court instant sur tout ce qui a l’air de passer à travers sa boîte crânienne,  que ce soit sur la serveuse, ton métier, ou encore ses propres livres, et l’information sur le fait que ces derniers, uniquement présents pour le cours, l’épuisent déjà assez te fait rire.
C’est sûr que ce n’est pas très drôle ce genre d’ouvrage, mais c’est une incroyable source d’apprentissage et c’est ce qui importe généralement le plus, ils ne sont pas fait pour amuser la galerie, à l’inverse d’un roman.
Tu rigoles une deuxième fois quand tu l’entends se défendre, tu imagines qu’il a réalisé ce qu’il vient de te dire, mais tu ne lui en portes pas rigueur, loin de là, ni à lui ni à ses collègues, ou à leur comportement. Tu apprécies la sincérité, l’ambiance qui émane de son groupuscule, tu n’as vraiment pas à te plaindre dans l’immédiat, comme tu ne t’es jamais plaint de tes rencontres, par ailleurs, et tu t’expliques finalement avant qu’il ne puisse continuer sur son chemin de pensée :

— Premièrement, ne t’inquiète pas Il n’y a aucun problème, ça ne me gêne pas du tout et… je comprends parfaitement ce que tu voulais dire auparavant.

Tu rigoles une troisième et dernière fois, sûrement un souvenir de ton premier passé qui te demande de le faire. Tu as été étudiant, aussi, alors tu comprends, même si tu as possiblement oublié quelques passages depuis le temps.

— Par archiviste, j’entend… eh bien, je gère une bibliothèque personnelle qui contient beaucoup de livres qui n’existent plus. Je les protège, je m’en occupe, je les restaure, et à côté j’en fais des copies pour les offrir à mes clients, parmi des livres bien plus banales. Les livres sont une passion à force d’avoir passé des heures à les lire, pour tenter de s’enfuir de la réalité.

Un léger sourire s’installe, d’une joie et d’une passion sincère. Tu le regardes, s’adressant à lui pour terminer ton monologue :

— Je suis sûr que tu pourrais trouver quelque chose qui te plaît aussi, dans ma libraire. Loin des livres de cours, quelque chose qui te transporte loin, qui te fait voyager.

Parce que c’est l’essence même de ces créations sur papier. C’est une échappatoire, une aventure, une histoire. C’est tout un univers, un fragment d’imagination, une réalité alternative. C’est tout, et rien à la fois, et c’est ce qui te passionne profondément sur le sujet. C’est tellement diversifié, et pourtant précis à la fois. Tous ont le même format, à quelque chose prêt sur l’extérieur, tout ça pour se faire dévorer toujours plus vite et avec plus d’assurance, le plaisir grandissant au fur et  à mesure des pages, tandis que les images dans l’esprit fleurissent et s’envolent, offrant au lecteur une certaine paix lorsque le livre se ferme pour ne plus être rouvert avant des années, par un autre lecteur, plus jeune, encore inconnu à ce monde enfermé entre quelques pages.
C’est un domaine qui te fascine.
C’est une porte vers la beauté de l’humain.
La création.
L’imagination.
Tu es sûr que n’importe qui peut trouver quelque chose qu’il aime, et c’est la source même de ton métier : conseiller, tout en te référant à tes nombreuses listes d’ouvrages présents.

— Je pourrais regarder pour toi, si tu veux.

Tu l’invites ouvertement, une deuxième fois, à essayer, alors qu’il n’a même pas eu le temps de te répondre et qu’il te demande ce que tu as pris comme boisson, t’approchant de ces dernières qui viennent d’être annoncées comme prêtes avec les excuses de la jeune femme, une nouvelle fois. Tu la remercies d’un hochement de la tête pour ta part, ne te gênant pas pour lui offrir un pourboire comme pour lui souhaiter une bonne continuation sur sa voie avant de faire demi-tour, ton récipient presque brûlant dans ta main, faisant attention à ce que Liam te suive bien.
Et dès qu’il est de nouveau à ta hauteur, tu lui réponds enfin :

— Je me suis dit que j’allais tester le cortado, je n’ai pas souvenir d’en avoir déjà essayé un.

Même si tu n’es pas vraiment sûr de toi, tu es plus habitué aux cafés noirs, purs. Mais la curiosité a pris le dessus sur toi, alors tu verras bien. Tu tournes ton visage vers le semi japonais pour lui renvoyer la question, marchant calmement jusqu’à la bibliothèque pour retrouver ses collègues :

— Et toi ? Je n’ai pas compris tout ce que tu as pu prendre, je suis désolé.

Déjà, parce que tu ne connais pas la moitié des noms énoncés, mais aussi, parce que tu étais bien trop occupé à faire ton propre choix…

Quand tu l’entends te dire qu’il a envie d’essayer de lire en t’écoutant, alors tu considères que tu as réussi ton travail. Un sourire vient éclore sur ton visage avant qu’il ne se transforme en rire, tes souvenirs qui te disent plutôt le contraire : tu avais beau avoir des facilités dans certains domaines, tu étais bien souvent à la ramasse sur certains sujets, et finalement comme aujourd’hui… les élèves s’entraidaient énormément.
Mais c’est bien loin, tout ça.
Trop loin pour ne pas laisser place à une lueur aussi nostalgique que mélancolique au fond de tes prunelles, mais elle est facile à rater si on ne s’y attarde pas tellement tu as l’habitude de cacher ton identité, alors tu enfiles simplement de nouveau ton costume d’archiviste sympathique et tu hoches de la tête à sa demande, tu es sûr que tu trouveras.
Tu ne t’es même encore jamais trompé, mais tu n’es pas du genre à te vanter.

Puis l’attention du plus jeune retombe sur ta boisson, et tu remarques bien ses yeux plein d’envie qui se plantent sur ton gobelet, avant de sentir une pointe de regret dans ses mots. Tu hésites alors à le lui proposer, mais tu t’arrêtes juste à temps parce qu’après tout, tu n’es pas tout à fait sûr qu’offrir sa boisson sans même l’avoir entamé est considéré normal, et tu ne veux pas qu’on te remarque plus que nécessaire, ou en tout cas plus que ce n’est déjà le cas actuellement.
Heureusement pour ton, c’est la présentation des boissons qui capte son attention au même titre que la tienne et tu l’écoutes avec attention, tentant tant bien que mal de retenir ses explications au même titre que rester naturel, alors c’est un léger rire qui se fait entendre de ta part quand tu entends la remarque sur le taro ; c’est sûrement pareil pour toi avec le café, mais c’est parce que c’est bien la dernière chose que tu supportes à peu près désormais, comme tu ne peux plus rien digérer autrement…
Tu n’as pas à te plaindre cependant, le café, c’est mieux que rien. Tu as toujours aimé ça, après tout.

Tu sors de tes pensées uniquement quand tu l’entends te remercier, ce qui te fait hausser un sourcil vu que c’est bien normal pour toi, mais tu lui réponds aussi poliment qu'à tes habitudes :

— C’est normal.

Tu ne te vois pas laisser quelqu’un chercher seul des boissons, ou même faire quoi que ce soit seul pendant que le groupe reste ensemble. C’est impensable pour toi d'abandonner quelqu’un, mais tu imagines que les mœurs ont peut être changé, vu qu’ils ont l’air d’avoir tout un système pour ce petit manège des boissons lors des révisions…
Il faudra que tu en prennes note, même si pour l’instant, tu es trop occupé à le remercier quand il te laisse entrer dans la bibliothèque dont la chaleur te surprend au même titre que le vent dehors, te faisant presque plisser les yeux par réflexe avant que tu n’abandonnes ta veste sur ton avant bras le temps de vous diriger vers le groupuscule qui gravite visiblement autour de Liam au vu du silence dès qu’il est absent, comme quoi.
Ce silence ne reste pas bien longtemps présent, ceci dit, puisqu’une énième dispute se passe entre Liam et Isao, si tu as bien retenu son nom. Tu les regardes, comme si tu y étais déjà habitué en quelques minutes à se connaître seulement, le temps que ça se tasse en échange d’une boisson, et tu ne peux pas t’empêcher un petit rire moqueur qui s’efface bien vite dès que tu t’installes sur ta chaise, attrapant ta boisson caféinée pour la siroter doucement, dans l’attente d’être malade après avoir pu apprécier rien qu’un peu le goût amer sur ta langue ; c’est comme ça, désormais.
Mais tu apprécies, donc, les yeux fermés, qui ne font que s’ouvrir une nouvelle fois quand tu entends une petite voix déconfite parler de ses révisions. Tu vois son sourire, et tu y réponds d’un air moqueur, tu pourrais l’aider à réviser, mais il se retrouve bien vite au milieu du spot par son ami, se faisant accuser ouvertement de t’observer alors qu’il devrait travailler, et tu n’iras pas dire le contraire, mais leur interaction te fait simplement rire une nouvelle fois avant que tu ne viennes agripper ta paille pour en avaler une nouvelle gorgée alors que tu sens une guerre se rapprocher, éviter de peu par une des jeune qui s’est décidée à étudier, ce qui incite Liam à revenir sur toi et te poser une question banale, ce à quoi tu réponds simplement que oui, avant de lui tendre ton gobelet, simplement :

— Tu veux goûter ?

C’est maintenant que tu peux le lui proposer, n’est-ce pas ? Sûrement.
Tu lui laisses le loisir de décider pour lui-même alors que tu zieutes légèrement son cahier, plissant presque les yeux pour réussir à en lire son contenu, et ce n’est que quand tu reconnais le contenu que tu te permets de t’approcher un peu de l’humain, un sourire sur tes lèvres comme si vous étiez dans la confidence alors qu’il n’y a clairement pas lieu à l’être, mais c’est toute ta bienveillance qui ressort :

— Et tu veux que je t’aide, peut-être ?

Parce que même si ce n’est pas ton domaine, tu connais.
Est-ce qu’il y a quelque chose que tu connais plus, depuis toutes ces années ?